Un groupe de travail au sein de la Commission européenne s'est penché au début de la semaine sur le projet de réglementation pour la production des vins biologiques, au sens strict, c'est-à-dire des vins issus de la vinification de raisins bio selon des techniques officiellement reconnues comme compatibles avec le mode de production biologique.
Michael Mann, porte-parole de la commissaire européenne à l'Agriculture, a indiqué mardi qu'un « premier examen a été effectué par le comité de réglementation compétent (le Scof) dès le mois de juin 2009 ». Les travaux ont repris en septembre, avec une consultation des représentants des Etats membres au « groupe consultatif de l'agriculture biologique », auquel étaient conviés les représentants des professionnels du vin dans l'Union européenne.
« Le fond du dossier des propositions à venir » pour ce projet de réglementation du vin bio, lesquelles ont été débattues le 19 et le 20 octobre 2009 à Bruxelles, « est constitué par le résultat de l'excellent projet de recherche Orwine », a précisé M. Mann.
« On espère aboutir avant la fin de l'année et mettre en place les règles du vin bio pour la récolte de 2010 », avec une entrée en vigueur du nouveau cahier des charges européen le 1er juillet 2010, a-t-il ajouté.
Commentant une note sur le document de travail de la Commission européenne rédigée par la Cevi (Confédération européenne des vignerons indépendants), datée du 15 octobre 2009, les Vignerons indépendants de France (Vif) ont estimé mercredi dans un communiqué que ce projet de réglementation « constitue un compromis politique à rebours de ce que veulent les vignerons et les consommateurs », c'est-à-dire un vin « clairement démarqué » du vin conventionnel.
Selon les Vif, ce projet « est contraire aussi à la réglementation (européenne) transversale » de l'agriculture biologique selon laquelle « la production des aliments transformés bio doit reposer sur […] l’exclusion des substances et techniques susceptibles d’altérer la naturalité du produit ».
Certaines substances et certaines pratiques (électrodialyse ou traitement aux échangeurs de cations pour la stabilisation tartrique des vins, désalcolisation partielle ou élimination du SO2 par des procédés physiques...) seraient prohibées, selon ce document.
D'autres seraient seulement restreintes (osmose inverse pour l’enrichissement des moûts de raisin, concentration partielle à froid pour l’enrichissement des vins...) avant l'interdiction définitive après le 31 décembre 2015.
La thermovinification, elle, serait autorisée sous réserve du résultat des négociations en cours jusqu’à une température de 65°C.
« Comme le craignaient les Vignerons indépendants de France, écrivent les Vif dans leur communiqué, le projet autorise des pratiques oenologiques qui dénaturent ou détruisent les matières vivantes (il faut comprendre les bactéries et les levures, NDLR) naturellement présentes dans le vin », considérant que « ces pratiques majoritairement utilisées par l’industrie » ne seraient interdites qu' à partir de 2016.
Pour les Vif, « cette position traduit une incohérence de fond et revient in fine à les autoriser toutes ». Soit ces pratiques « ne sont pas contraires à l’esprit et à la lettre de l’agriculture biologique et alors il n’y a aucune raison de les interdire en 2016 », soit elles « détruisent les matières vivantes naturelles du vin et elles doivent, dès 2010, être prohibées », commentent les vignerons français.
« La France ne peut défendre le projet initial de la Commission comme elle le laisse entendre », martèle le communiqué, relevant que la position politique de la Commission « défavorise de fait les vignerons indépendants qui ont fait le choix de convertir leurs vignes en agriculture biologique et s’imposent déjà des règles strictes et respectueuses du vivant à la vinification par l’usage de méthodes plus artisanales. »
Les Vif estiment qu'en « choisissant une frontière ténue entre "vin conventionnel" et "vin bio", la Commission fait donc la part belle à l’industrie ».
• Vin Bio – Note sur le document de travail de la Commission européenne du 15 octobre 2009 (Cevi) (153.08 Ko)
• Vins biologiques/UE: un cahier des charges « strict » pour un « vrai vin bio » (Vignerons indépendants) (19 octobre 2009)