Le bail rural est-il toujours adapté pour assurer la pérennité de l'entreprise agricole? Telle était la question posée lors du congrès de l'Association française de droit rural (AFDR), qui s'est tenu à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), les 16 et 17 octobre 2009.
Pour les juristes présents (avocats, notaires, universitaires, etc.), si le statut du fermage offre encore une certaine protection aux exploitants, les baux dérogatoires (bail Safer, bail annuel, convention d'occupation précaire, etc.) le placent dans une situation de précarité, proportionnelle aux libertés offertes aux propriétaires. A fortiori lorsque le bailleur est une personne publique: «Un fermier ne peut pas trouver la pérennité de son exploitation dans les relations avec l'Administration», a assuré Me Jacques Druais, président de l'AFDR.
Mais la protection n'est pas synonyme de pérennité. Dans une «réflexion d'inspiration libérale», de plus en plus de praticiens estiment que l'épanouissement économique de l'entreprise agricole reste soumis à une sortie du statut du fermage, tel qu'il existe aujourd'hui, au profit de contrats de bail librement conclus. «Les statuts, quels qu'ils soient, constituent des carcans peu propices au développement économique», a confirmé Me Marie Joffre Angot, avocat à Bourges.
En bref, pour l'AFDR, l'agriculteur étant devenu un véritable entrepreneur, le statut du fermage et les baux ruraux doivent s'adapter à ses nouvelle exigences.
Me Jacques Lachaud, avocat honoraire à Aix-en-Provence et spécialiste du droit rural, a en effet noté «la lente commercialisation du bail rural», depuis la seconde moitié du vingtième siècle jusqu'en 2005, avec la reconnaissance de l'activité d'entraînement et d'élevage de chevaux comme activité agricole, puis en 2006 avec la création du bail cessible et du fonds agricole.
Et demain? «J'ai peur que le législateur profite de la loi de modernisation agricole, actuellement en préparation, pour dire que l'exploitation d'éoliennes ou de panneaux photovoltaïques soit constitutive de l'activité agricole, et donc d'un bail rural, comme il l'a fait pour l'entraînement de chevaux», a confié l'avocat honoraire.
Abandonner le statut du fermage serait une véritable révolution dans le monde agricole, dont les conséquences sont difficilement mesurables. Pour Bertrand Saget, président des fermiers et métayers de la FNSEA, «ce serait catastrophique en termes d'installation!»
Me Lachaud s'interroge: «Se dirige-t-on vers un retour à la suprématie de la loi-contrat? Le vieux fond corporatiste de l'agriculture s'y oppose. La prospective ne m'appartient pas. Enfant du siècle des fermiers et de leur statut, je ne puis pour l'instant imaginer les lendemains.»