Quelque 400 producteurs de salades ont bloqué jeudi matin les accès au Marché d'intérêt national (MIN) de Châteaurenard, désespérés de «perdre des ronds en travaillant», et ils accusent la grande distribution de les faire «mourir tout doucement».
Pour protester contre le faible prix d'achat de leur production, les agriculteurs ont aussi décidé d'arrêter la coupe de salades jusqu'à lundi et de bloquer les expéditions de leur production, qui représente 80% du marché français, selon Serge Mistral, secrétaire général de la FDSEA.
Le MIN de Chateaurenard, l'un des plus importants d'Europe, est bloqué pour la deuxième journée consécutive.
Devant les grilles où une banderole «Agriculteurs en colère, MIN fermé» a été accrochée, Rémy Roux, membre du bureau de la FDSEA des Bouches-du-Rhône et président du syndicat des «belles salades de Provence», explique: «Depuis trois semaines, on vend nos laitues et nos batavias entre 15 et 20 centimes d'euro alors que le prix de revient se situe aux alentours de 30 centimes.»
«Il faut que les marges faites sur nos produits (NDLR: par la grande distribution) fassent l'objet d'une répartition équitable entre les différents opérateurs de la filière de la salade», ajoute-t-il, entouré d'autres exploitants qui l'approuvent.
Nombreux sont ceux qui affirment ne plus pouvoir s'en sortir. «Sur six mois de récolte, on a vendu un mois à 0,40 euro et cinq mois entre 0,12 et 0,25, c'est-à-dire à un prix qui n'est pas tolérable», s'exclame Philippe Bon, producteur des environs de Carpentras (Vaucluse).
Il met en cause la concurrence des pays comme l'Espagne, le Portugal ou encore l'Italie. «A Rungis, le colis de douze salades portugaises, c'est 3 euros, alors que nous, à moins de 4 euros, on peut pas vendre», souligne-t-il.
«On est en concurrence avec des gens qui ne respectent pas les mêmes normes phytosanitaires et qui ne sont pas soumis aux mêmes contraintes en termes de charges», fait remarquer Anne-Marie Bertrance, conseillère générale du canton, dont le fils est producteur.
«On peut pas perdre des ronds en travaillant», s'indigne Christophe Guigue, exploitant depuis plus de vingt ans à Tarascon. «La vente à perte est interdite en France mais nous, on est le seul secteur pour lequel c'est autorisé», remarque-t-il. Il voit l'avenir en noir car les centrales d'achat exercent un monopole «tellement bien booké» qu'«on va mourir tout doucement».
«Je ne sais plus quoi faire comme légume pour gagner ma vie. Depuis que je me suis installé, il y a quatre ans, je ne suis toujours pas parvenu à me donner un salaire fixe», renchérit Henri Dardar, agriculteur à Vallabrègues.
Toute la filière se sent concernée, explique Eric Verleaguet, directeur de Barbentane Primeurs, un grossiste chez lequel les producteurs ont fait une descente pour s'emparer de salades espagnoles, une production qui représente 10% du volume de ce qu'il écoule.
Tout en les regardant charger la cargaison qu'ils vont ensuite disperser sur la chaussée près du MIN, il explique calmement: «Vendre des salades à perte toute l'année, c'est plus possible pour eux, et moi, si j'ai plus de matière première d'ici, je n'ai plus de raison d'être.»
Lors d'un barrage filtrant à l'entrée de l'autoroute A7, les producteurs ont aussi stoppé un camion et déversé sur la chaussée sa cargaison de salades.
Une négociation avec les centrales d'achat de la grande distribution était prévue dans l'après-midi.