Le prix du porc a baissé de 3,30 centimes au kilo vendredi matin au Marché du porc breton (MPB) de Plérin (Côtes-d'Armor), au lendemain d'une nouvelle crise qui a entraîné la suspension de la cotation prévue jeudi et un changement de président. A l'issue de la séance de cotation de vendredi, le prix du kilo de porc est tombé à 1,344 euro, loin du seuil de 1,40 euro qui avait été réclamé par le gouvernement au début de l'été afin de venir au secours des éleveurs.
Mais à la surprise générale, la section porcine de l'Union des groupements de producteurs de viande de Bretagne (UGPVB) a renoncé jeudi à cet objectif de prix, disant redouter qu'un prix trop haut par rapport à celui du porc d'importation ne se traduise par la disparition à terme du marché de Plérin. Après cette annonce, Daniel Picart, qui présidait le MPB depuis cinq ans, a dénoncé devant le conseil d'administration la « trahison » qui le poussait à démissionner. Il a été remplacé par François Pot, par ailleurs président du groupement de producteurs de porcs Porélia.
« L'essentiel, c'est que la cotation publique reste en place, c'est indispensable », a déclaré M. Pot devant la presse. « Sinon, mon concurrent ne sera plus l'Allemagne ou l'Espagne mais ce sera mon voisin ». « Ici, on sauve l'emploi en restant debout. On est tous dans le même bateau. Il faut un prix entre nous. Pour avoir un prix, il faut une règle du jeu et c'est la mission du MPB », a-t-il lancé.
La colère de Le Foll
Le président de la section porcine de l'UGPVB, Michel Bloc'h, a indiqué à l'AFP que les responsables du MPB avaient rencontré jeudi soir Cooperl et Bigard, deux des principaux acheteurs de porcs. « Tous se sont donné quinze jours pour réformer le MPB », a indiqué M. Bloc'h. « Bigard et Cooperl ne veulent plus que le MPB puisse être politisé par un opérateur capable de faire le prix. [...] Il faut trouver un mécanisme, sinon le marché va mourir », a-t-il ajouté.
Le refus en août de Bigard et la Cooperl de payer 1,40 euro le kilo de porc et leur retrait du MPB avaient déjà ébranlé la filière. Bigard a en outre annoncé la semaine dernière sa volonté d'acheter tous ses porcs cinq centimes en dessous du cours du Marché du porc breton.
Le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll a réagi avec « colère » vendredi à la décision de l'UGPVB de renoncer au prix minimum pourtant fixé avec le gouvernement. « Parce que les producteurs de porcs avaient demandé à ce qu'on revalorise leur prix compte tenu de la difficulté dans laquelle ils étaient, on avait trouvé un accord commun entre les producteurs, les industriels et la grande distribution », a rappelé M. Le Foll sur France Info. « Là, c'est l'Union des groupements de producteurs de viande de Bretagne qui a demandé à ce que le prix baisse. A partir de là, chacun assumera ses responsabilités », a-t-il déclaré. En juin, le gouvernement avait fixé comme objectif au MPB de parvenir à un prix moyen de 1,40 euro le kilo, prix minimum réclamé par les éleveurs, qui a été atteint le 23 juillet.
Beulin se dit « très surpris »
De son côté, le président de la FNSEA s'est dit « très surpris » par la décision de l'UGPVB, indique l'AFP. « Cela revient à expliquer aux paysans que leur propre groupement demande des baisses de prix », a expliqué Xavier Beulin en marge d'un événement de la FNSEA à Paris. Interrogé sur des informations évoquant un possible retrait du MPB de l'abatteur Abera, propriété du groupe Avril dont il est président, M. Beulin a assuré qu'Abera avait au contraire pris le « leadership » pour réunir tous les acteurs du problème.
Dans un communiqué de vendredi, le MPB indique que « mercredi, le cours allemand avait chuté de 6 cents, entraînant toutes les cotations à la baisse » en Europe. « La référence française reste très bien positionnée par rapport aux tarifs concurrents du fait de la demande nationale en viande porcine française », selon le communiqué.
FRSEA Bretagne : un « prix d'équilibre » pour les éleveurs
Dans un communiqué de presse diffusé ce vendredi 24 septembre 2015 alors que le Cadran de Plérin vient de reculer de 3,3 centimes, la FRSEA de Bretagne constate que « les éleveurs sont, encore une fois, la variable d'ajustement de toute une filière et aucune fluidité n'est assurée. L'Union des groupements de producteurs de viande de Bretagne (UGPVB) serait donc prête à sacrifier des éleveurs pour sauver le Marché du porc breton (MPB) et les abatteurs ? », s'interroge-t-elle.
Face à la demande des abatteurs de « baisse des prix pour retrouver leur prix d'équilibre », la FRSEA revendique « un prix d'équilibre pour les éleveurs. Il est absolument impossible de continuer dans cette voie. Pourquoi les éleveurs n'auraient pas le droit eux aussi à un prix d'équilibre, et avoir des revenus décents, à la hauteur du travail fourni ? Notre demande n'est pas moins légitime que celle des abatteurs, mais nous, éleveurs, savons faire autre chose qu'une politique de la terre brulée. »
Pour le syndicat, la tentative de l'UGPVB pour préserver le Cadran, est vaine. « Le MPB n'est pas sauvé puisque Bigard et Cooperl sont toujours aux abonnés absents, prévient la FRSEA. Tout le travail effectué par le syndicalisme [...] a permis de maintenir le prix à 1,40 €. Ce prix qui n'est pas politique, mais gagné de haute lutte [...], est aujourd'hui balayé d'un revers de main par tout un pan de la filière. La FRSEA Bretagne demande à tous les groupements de travailler et proposer des solutions rapidement pour sauver tous les éleveurs de porcs. »