Près d'une semaine après l'annonce de l'assignation par l'Etat de neuf distributeurs pour pratiques abusives, la justice condamne en appel Leclerc à restituer à des fournisseurs plus de 23 millions d'euros, perçus sans contrepartie commerciale.
La cour d'appel de Versailles a confirmé le 29 octobre 2009 un jugement de 2005 du tribunal de Nanterre condamnant le Groupement d'achats des centres Leclerc (Galec) à rétrocéder 23,3 millions d'euros à 28 fournisseurs, dont Yoplait et Fleury-Michon, a-t-on appris mardi de source judiciaire, confirmant une information du site du journal de grande distribution LSA.
Leclerc, premier réseau d'hypermarchés en France, doit leur «rembourser des marges arrière indues, c'est-à-dire des sommes perçues sans contrepartie commerciale durant les années 1999-2001», explique une source proche du dossier.
Les marges arrière sont des ristournes déguisées que les distributeurs obtiennent au titre d'une coopération commerciale (mise en valeur d'un produit sur un rayon, présence dans un catalogue...), réelle ou non.
Le distributeur devra en outre s'acquitter d'une amende au civil de 500.000 euros pour «pratiques anticoncurrentielles», à payer à l'Etat, également fixée par le premier jugement.
Leclerc a réagi mardi soir prenant «acte de l'arrêt de la cour d'appel», tout en soulignant que «les sommes en cause avaient été versées par les fournisseurs dans le cadre de transactions avec le Galec pour mettre fin à un litige qui les opposait».
En première instance, Michel-Edouard Leclerc, président du groupe éponyme, avait soutenu que les 28 fournisseurs en question avaient consenti de meilleures conditions commerciales à son concurrent Carrefour. Le «pot aux roses» une fois découvert, ils avaient accepté, selon M. Leclerc, de dédommager son groupe, formalisant la transaction dans deux protocoles d'accord.
Ce sont ces fameux protocoles qui ont valu à Leclerc sa condamnation, car ils avaient été signés rétroactivement en 2002 et 2003 mais portaient sur les années 1999 à 2001.
Le distributeur a rappelé mardi avoir présenté une requête en 2008 devant la Cour européenne des droits de l'homme «au motif que le ministre (de l'Economie, via la Direction générale de la répression des fraudes NDLR), s'est substitué (en justice) aux fournisseurs concernés».
L'arrêt de la cour d'appel est susceptible d'un pourvoi en cassation.
Les déboires de certains distributeurs avec la justice s'accumulent ces derniers mois. Carrefour a été condamné la semaine dernière à 192.000 euros d'amende par le tribunal correctionnel d'Evry, notamment dans trois dossiers de pratiques commerciales trompeuses.
De son côté, l'Etat vient d'annoncer la poursuite en justice de neuf distributeurs, accusés également de pratiques abusives à l'égard de leurs fournisseurs, une action inédite par son ampleur.
Selon une source proche du dossier, Auchan, Carrefour, Leclerc, Casino, Cora et Système U font partie des enseignes assignées.
En lançant ces procédures, le gouvernement fait le constat que sa loi de modernisation de l'économie (LME) n'a pas suffi à éradiquer toutes les dérives, même si depuis son entrée en vigueur, les distributeurs ont «joué le jeu» avec une résorption des marges arrière (passées d'environ 32% du prix des produits à 11% environ), selon le secrétaire d'Etat au Commerce, Hervé Novelli.
La LME d'août 2008 vise à moraliser les négociations commerciales en autorisant les distributeurs à négocier librement les tarifs avec leurs fournisseurs.
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