La grève du lait: «sur les chantiers d’ensilage, on évite parfois d’en parler», avoue Laurence Jousselin. Inutile de relancer le débat parfois houleux entre grévistes et non grévistes.
En Gaec dans l’Orne avec son mari Eric et son beau-père Marc, Laurence a jeté son lait durant une semaine, soit près de dix mille litres: «Je suis fière d’avoir fait cette grève, mais mon beau-père y était opposé. Nous avons dû arrêter car cela le rendait malade.»
Laurence est malgré tout restée mobilisée en assurant le relais de l’Apli (Association des producteurs de lait indépendants) dans sa région, le Perche. Réunions et courriers par internet ont permis d’échanger et de rester en permanence informés.
«Les éleveurs se sont retrouvés, ont pu parler de leurs problèmes. Pendant la grève, on se réunissait tous les deux jours pour se soutenir mutuellement. Finalement, ce mouvement a créé un nouveau lien social», explique Laurence.
Non syndiqué, le couple d’éleveurs avoue avoir été séduit dès le départ par les idées défendues par l’Apli. «Au fur et à mesure du mouvement, des adhérents de la FDSEA et des JA nous ont rejoints. Nous respectons les idées de chacun», rappelle Laurence.
Les éleveurs restent divisés sur le bien-fondé du mouvement et son impact. «On a fait miroiter des choses impossibles avec un prix du lait à 400 euros/1.000 litres, s’insurge un producteur de la Manche qui a souhaité garder l’anonymat. L’année 2008 a été exceptionnelle, on savait que ça ne pouvait pas durer.»
Mais selon Eric Joussselin, «les médias ont beaucoup parlé du prix du lait, alors que le premier combat, c’est la régulation du marché».
Si la grève du lait est suspendue, la mobilisation n’est pas terminée. «Nous faisons une réunion par semaine pour informer les producteurs sur l’évolution des négociations et organiser d’autres actions», explique Laurence Jousselin.
En attendant, «tout est à refaire sur le plan syndical, avec des agriculteurs divisés, conclut un autre producteur de la Manche non gréviste. C’est une action qui a coûté cher pour ce qu’elle a rapporté».
Questions à STÉPHANE DAVY, président des Jeunes Agriculteurs de l’Orne Vous avez appelé à deux jours de «non-livraison» de lait. Cela signifie-t-il que vous souteniez la grève? Nous avons laissé à chacun le choix de suivre ou non cette action. Beaucoup de jeunes se demandaient pourquoi nous n’avions pas appelé à rejoindre le mouvement de l’Apli. Par ces deux jours, nous avons voulu marquer notre solidarité avec les producteurs qui jettent leur lait. Quel bilan faites-vous de cette grève ? L’Apli a réussi à mobiliser les éleveurs mais a vendu un peu d’utopie avec un prix du lait à 400 euros. Elle a également permis d’accélérer les démarches européennes, mais n’a pas fait bouger la ligne défendue par la commissaire Mariann Fischer Boel. En tout cas, c’est un mouvement qui restera dans les mémoires. |