En Allemagne aussi, le prix du lait cause des remous: la grande distribution vient de baisser ses prix de vente, ravivant les craintes des petits producteurs, sur fond de conflit entre tous les acteurs de la filière.
Au début de la semaine, plusieurs chaînes de distribution, en tête les discounters Aldi et Lidl, ont annoncé des baisses du prix du litre de lait en magasin allant jusqu'à 20%, revenant sur les hausses décidées au printemps et provoquant la colère des producteurs, sur qui se répercute directement la baisse.
A la fin de mai, une partie d'entre eux avaient lancé une «grève du lait». Pour tirer les prix vers le haut, il avait été décidé une hausse de ce que paie la distribution et une tentative de limitation de la quantité produite en Allemagne.
Deux mesures caduques quelques mois plus tard: le litre de lait ne vaut plus que 55 cents actuellement chez Aldi, contre 68 cents la semaine dernière. Et la limitation de la production a été rejetée vendredi par la chambre haute du parlement allemand, le Bundesrat.
La situation des petits éleveurs, notamment dans les régions montagneuses des Alpes, est difficile. «Si le prix du lait chute encore de 4 ou 5 cents, beaucoup ne pourront plus survivre», prévient Romuald Schaber, président de la fédération de producteurs BDM et instigateur de la grève de mai. Et «il n'y a pas que des petits qui vont mourir, des grosses exploitations aussi.»
La fédération BDM des producteurs laitiers tempête contre les gros producteurs qui dépassent leurs quotas et contre les laiteries, qui achètent le lait pour le mettre en briques et le transformer en yaourts, fromage et beurre. Les laiteries appellent les producteurs à s'armer de patience et à chercher des débouchés à l'international.
La fédération agricole DBV tape sur la grande distribution qui «fait chanter les paysans» et montre «le vilain visage du capitalisme effréné», selon son président Gerd Sonnleitner.
Pour Wolfgang Twardawa, analyste à l'institut d'étude de la consommation GfK, les discounters cherchent désespérément à augmenter leurs parts de marché, et le lait est un bon terrain de bataille puisque «tout le monde doit (en) acheter». Selon lui, «l'histoire des protestations des paysans», qui ont mobilisé l'opinion publique au printemps, «ça commence à dater».
Le DBV s'est tourné vers l'Office anticartel, gendarme de la concurrence, car il soupçonne une entente entre les distributeurs. Une enquête a été lancée depuis plusieurs mois, a confirmé vendredi un porte-parole de l'office.
Profondément divisée, la filière hésite encore sur la conduite à tenir. Mais «il va y avoir une réaction», prédit Stefan Mann, membre de la direction de BDM. Et peut-être bientôt, à nouveau, des images de paysans en colère versant du lait dans le caniveau.