La flambée des prix des denrées alimentaires frappe de plein fouet les organisations internationales d'aide humanitaire, et plus particulièrement le «grenier des Nations unies», le Programme alimentaire mondial (PAM).
«Nous distribuons quatre millions de tonnes de vivres par an, l'augmentation de 55% du coût des produits alimentaires depuis juin 2007 a donc un impact énorme sur nos opérations», explique Christiane Berthiaume, porte-parole du PAM à Genève.
Présente dans 78 pays où elle nourrit 73 millions de personnes, cette agence de l'ONU fait face à des difficultés inédites: «Il est devenu très difficile de trouver la nourriture», commente Nicole Ménage, chef du service des achats alimentaires du PAM à Rome.
«Beaucoup de pays ont mis en place des mesures limitant leurs exportations d'aliments, en Asie, en Afrique et en Amérique latine», décrit-elle.
«Pour nous, le défi est de trouver un équilibre entre se procurer de la nourriture sans mettre en danger la sécurité alimentaire de ces pays», ajoute-t-elle.
Par ailleurs, de nombreuses régions où se fournit le PAM n'ont pas accès à la mer. L'augmentation des prix du pétrole et par voie de conséquence celui du coût des transports est une autre préoccupation de l'organisation.
En Afrique de l'Ouest, le PAM estime ainsi à 30% les coûts supplémentaires de ses opérations.
A la fin de mars, l'organisation a lancé un appel pour obtenir 500 millions de dollars (325 millions euros) supplémentaires afin de couvrir ce surcroît de dépenses.
Pour les experts, la hausse des prix alimentaires va inciter le PAM à modifier plus profondément son fonctionnement et l'origine de ses achats.
Sur les quatre millions de tonnes de nourriture qu'il distribue par année, le PAM se procure deux millions de tonnes sur les marchés proches de ses opérations, deux autres millions étant fournis par les pays donateurs.
Les Etats-Unis offrent ainsi la grande majorité de leur aide en nature, ce qui leur permet d'écouler leurs excédents alimentaires et parallèlement de maintenir les subventions à leurs agriculteurs, relèvent des analystes comme Mickey Chopra, directeur de l'unité de recherche des systèmes de santé au Medical research Council du Cap (Afrique-du-Sud).
De même, l'aide financière offerte au PAM par le Japon ou le Canada est accompagnée d'une exigence: l'argent doit servir à acquérir, auprès des agriculteurs japonais ou canadiens, les produits dont l'organisation a besoin.
«Les excédents agricoles que les Etats-Unis donnent au PAM ont contribué dans un premier temps à une baisse des prix des produits alimentaires en Afrique, et donc à un désinvestissement dans le secteur agricole de ces pays», une des causes de l'actuelle pénurie, note Mickey Chopra.
«Le PAM devra à terme investir davantage dans la production alimentaire locale en Afrique et développer l'assistance technique», estime ce scientifique.
Le directeur général de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), Jacques Diouf, a souligné ce phénomène, pointant du doigt «les politiques agricoles erronées menées au cours des 20 dernières années».
M. Diouf a également mentionné l'effort insuffisant des banques internationales en faveur de l'agriculture, l'absence d'une politique mondiale de protection des ressources en eau et le développement des biocarburants qui contribue à une baisse des surfaces consacrées aux denrées alimentaires. «Une opération massive de distribution de semences et de fertilisants» est devenue nécessaire dans les pays menacés par la pénurie alimentaire, a-t-il souligné.
L'envolée des prix des céréales crée dans 37 pays pauvres une situation d'urgence qui a conduit à des émeutes de la faim, s'est alarmée récemment la FAO.