Le monde a dépassé le cap «historique» du milliard de personnes sous-alimentées, en raison de la crise économique, a annoncé vendredi à Rome l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).
«C'est avec un grand regret que je dois annoncer que nous avons plus de victimes de la faim aujourd'hui que jamais auparavant dans l'histoire de l'humanité», a déclaré Jacques Diouf, directeur général de la FAO.
«Un milliard et vingt millions de personnes souffrent de la faim comme conséquence d'un mélange dangereux entre la crise économique et les prix alimentaires élevés», a-t-il expliqué.
Il a déploré cette «combinaison dévastatrice pour les populations les plus vulnérables» qui a révélé «la fragilité du système alimentaire».
La FAO souligne dans un rapport que la situation actuelle «n'est pas le résultat de mauvaises récoltes au niveau mondial» mais est due à «la crise économique mondiale qui a provoqué baisse des revenus et pertes d'emplois».
En 2009, «compte tenu essentiellement des chocs de la crise économique et des prix souvent élevés des denrées alimentaires, le nombre des victimes de la faim devrait augmenter globalement d'environ 11%», selon les projections de la FAO qui s'appuient sur une étude du Service de recherches économiques du département américain de l'Agriculture.
«Un monde affamé est un monde dangereux», a déclaré pour sa part Josette Sheeran, directrice du Programme alimentaire mondial des Nations unies (PAM), rappelant que la faim mène «aux émeutes, à l'immigration ou à la mort.»
«Nourrir la population doit devenir la principale priorité», a-t-elle ajouté, dénonçant «le triste cap historique» que l'humanité a franchi. Selon la FAO, la «quasi-totalité des personnes sous-alimentées vivent dans les pays en développement».
Elles seraient «642 millions en Asie-Pacifique, 265 millions en Afrique subsaharienne, 53 millions en Amérique latine et dans les Caraïbes, 42 millions au Proche-Orient et en Afrique du Nord et 15 millions dans les pays développés».
Le nombre de personnes sous-alimentées dans le monde est passé de 825 millions pendant la période 1995-1997 à 873 millions pendant celle de 2004-2006, selon l'agence spécialisée des Nations unies. En 2008, il a atteint 915 millions.
«Nous avons besoin d'un nouvel ordre mondial alimentaire», a estimé Jacques Diouf, évoquant un sommet mondial sur l'alimentation que la FAO souhaite organiser en novembre prochain.
«Le problème de la sécurité alimentaire est un problème politique», a-t-il lancé, réclamant «de plus importants investissements dans l'agriculture».
Au cours d'un sommet à Rome en juin 2008, les pays membres de la FAO avaient réaffirmé leur engagement à réduire de moitié le nombre de personnes souffrant de la faim d'ici à 2015.
Vendredi, M. Diouf a reconnu que cet objectif n'était «plus réaliste». Il a cité comme exemple celui de plusieurs pays d'Amérique latine qui se sont fixés comme objectif d'éradiquer complètement la faim chez eux mais d'ici à 2025.
Les estimations alarmantes de la FAO ont été publiées à trois semaines du sommet du G8, le groupe des huit pays les plus industrialisés du monde, qui aura lieu à L'Aquila (Italie), du 8 au 10 juillet.
Le thème de la sécurité alimentaire, en particulier en Afrique, sera l'un de ceux abordés au cours du sommet.