Le quatorzième «Rendez-vous de la mondialisation», proposé par le Centre d'analyse stratégique, s'est tenu jeudi 18 juin à Paris, sous la direction de Marcel Mazoyer, professeur honoraire à AgroParisTech.
Les intervenants ont échangé sur les défis de l'agriculture mondialisée, «à l'horizon de 2050»: nourrir neuf milliards d'êtres humains, respecter l'environnement, protéger les ressources naturelles, etc. Et tout cela sur fond d'instabilité des prix des produits agricoles, de pression urbaine et de spéculation autour du foncier.
«Nous pourrons nourrir les neuf milliards d'hommes prévus en 2050, a affirmé Laurence Roudart, enseignante à AgroParisTech. Il reste plus de terre à mettre en culture que de terres cultivées: «Un tiers des terres émergées de la planète sont des terres cultivables. Parmi elles, seules 40% sont mises en culture.» Les infrastructures (zones urbaines, réseaux routiers, etc.) ne représentent quant à elles que 0,6% des terres émergées.
Le problème ne relève donc pas des capacités de production de la planète, mais de décisions économiques et politiques. A ce sujet, Hervé Guyomard, directeur de recherche à l'Inra, reste pessimiste: «Il faudra des crises très graves pour que ces questions soient inscrites sur l'agenda des politiques. Le réchauffement climatique concerne tous les pays, mais les émeutes de la faim ne touchent que les pays pauvres.»
Selon Hervé Guyomard, «nous aurons besoin demain d'augmenter les production agricoles, mais aussi de développer les échanges entre pays. Les solutions de repli sont dangereuses. L'ouverture des marchés nationaux est nécessaire, avec des politiques nationales ou régionales de régulation concertées au niveau international».
Pour faire face au défi alimentaire, Hervé Guyomard lance l'idée de stocks au niveau mondial: «Il faudrait une banque alimentaire indépendante, à l'image de la banque centrale.»
Concernant la volatilité des marchés, «une large part des facteurs à l'origine de la flambée des prix de 2007 reste inexpliquée, a constaté Jean-Pierre Butault, directeur de recherche à AgroParisTech. Cette situation ne peut pas s'expliquer par une libéralisation accrue. La libéralisation des marchés est encore loin d'être faite: il y a encore une protection forte à la frontière en Europe et un soutien interne élevé aux USA».
Jean-Pierre Butault a estimé que si «l'instauration de quotas réduit l'incertitude des producteurs», elle risque toutefois de «figer la situation». En outre, les outils de régulation des marchés peuvent avoir des «effets pervers» sur les pays pauvres, a-t-il démontré. «Une certaine stabilité a été obtenue pour l'agriculture européenne par la première Pac, mais au prix de perturbations sur les marchés internationaux, au détriment notamment des agricultures locales des pays en voie de développement». Pour le chercheur, un contingentement flexible (quotas ou gel des terres), pouvant s'adapter à des augmentations de la demande, pourrait être une solution.