Le président Nicolas Sarkozy a annoncé mardi à Poligny, dans le Jura, un plan «sans précédent» de 650 millions d'euros d'aide et d'un milliard d'euros de prêts bonifiés à taux réduits sur cinq ans pour permettre à l'agriculture de faire face à une crise «absolument exceptionnelle». Il a précisé que sur les 650 millions d'euros d'intervention d'urgence, 60 millions sont prévus pour la bonification du milliard d'euros de prêts.
Devant un parterre de responsables agricoles et d'agriculteurs, M. Sarkozy a fait un plaidoyer en faveur de ce secteur, inhabituel de sa part, en soulignant que «la terre fait partie de l'identité nationale française».
Concernant le plan de soutien exceptionnel, il a précisé que le taux d'intérêt réel des prêts serait réduit à «1,5%, voire 1% pour les jeunes agriculteurs».
Il s'agit, a-t-il dit, de permettre à chaque agriculteur en difficulté à la fois d'assainir sa situation de trésorerie et d'investir pour la prochaine campagne.
Parmi les mesures contenues dans le plan de soutien exceptionnel, il a cité l'exonération de «la totalité des charges patronales dues à la Mutualité sociale agricole pour les travailleurs saisonniers», afin de réduire l'écart du coût de la main-d'oeuvre avec les autres pays européens, pour un coup de 170 millions d'euros.
«On va vous mettre dans un combat à armes égales avec vos concurrents», a-t-il expliqué. «Nous produisons des tomates avec un coût du travail à 12 euros de l'heure. Le problème, c'est que nos voisins les produisent à sept euros de l'heure, voire à six», a dit Nicolas Sarkozy.
«Il est évident que les 35 heures ont été une catastrophe pour l'agriculture comme pour tous les secteurs économiques français», a-t-il ajouté. «J'ai donc décidé d'exonérer la totalité des charges patronales dues à la Mutualité sociale agricole pour les travailleurs saisonniers.»
Pour ce qui est des cotisations de la Mutualité sociale agricole pour 2009-2010, le président Sarkozy a prévenu qu'il y aurait un allègement de 50 millions d'euros.
Il a cité aussi une enveloppe de 200 millions d'euros pour alléger les charges d'intérêt d'emprunt de 2009 et 2010 dues par certains agriculteurs en difficulté. Cette enveloppe, a-t-il dit, est également destinée à «accompagner les restructurations des exploitations», comme celles «de jeunes producteurs de lait ou de viande».
«Un agriculteur est avant tout un entrepreneur, qui ne compte pas ses heures», a déclaré Nicolas Sarkozy. «Une définition rénovée du métier d'agriculteur» sera «au coeur de la loi de modernisation de notre agriculture» et «permettra, au plus tard en 2013, une mise en cohérence et une meilleure orientation de nos soutiens publics», a t-il expliqué.
M. Sarkozy a aussi prôné un «regroupement des producteurs» afin qu'ils puissent davantage peser face aux circuits de commercialisation. «La moitié des exploitations françaises de fruits et légumes adhère à une organisation de producteurs. Pour cette moitié-là, nous avons en France 285 organisations de producteurs, le tout pour cinq enseignes de distribution, est-ce raisonnable?», s'est interrogé Nicolas Sarkozy.
«L'Etat est avec vous et nous allons vous aider, mais vous devrez également modifier un certain nombre de failles dans votre organisation. Je vous le dis par respect parce que là, se joue une partie de votre avenir», a-t-il ajouté.
N. Sarkozy a également annoncé l'allègement au cas par cas de la taxe sur le foncier non bâti, pour un coup d'environ 50 millions d'euros, ainsi que 170 millions d'euros d'allègement de la TIPP (produits pétroliers) et TICGN (gaz naturel) pour 2010, et le remboursement de la taxe carbone à hauteur de 120 millions d'euros.
Il a prévenu que «dès la semaine prochaine, une première réunion avec les organisations représentatives» aurait lieu.
Nicolas Sarkozy a souligné que la crise subie par l'agriculture est «absolument exceptionnelle car toutes les filières sont aujourd'hui touchées par une baisse de revenus». «Aucun secteur n'est épargné, aucune région n'est épargnée. Cette crise touche donc le cœur de notre société», a-t-il déclaré.
«La crise, il faut la maîtriser ou la subir, nous avons choisi de la maîtriser», a martelé le chef de l'Etat. «Il n'est pas question que la France laisse tomber son agriculture», «nous ne pouvons pas attendre», «je refuse que l'agriculture soit emportée par la crise», a scandé Nicolas Sarkozy, en affirmant que le plan serait «engagé intégralement avant la fin de 2009».
«Notre réponse doit préparer un changement sans précédent. Nous devons être ambitieux, faire preuve d'imagination, d'audace», a-t-il poursuivi.
Selon lui, cette crise, qui «impacte le premier secteur» d'activité du pays loin devant l'industrie «avec un chiffre d'affaires de 163 milliards d'euros», touche «1,6 million d'actifs, 3,6 millions de retraités».
Il a observé que la crise «[révélait] un défaut de régulation européenne et mondiale et une défaillance nationale réelle dans la répartition de la valeur au sein des filières agricoles». M. Sarkozy a jugé ainsi «inacceptable» l'écart «sans précédent» entre la baisse des prix payés aux producteurs (-20% entre septembre 2008 et septembre 2009) et la baisse des prix à la consommation des produits alimentaires (-1%).
«Il révèle une répartition inéquitable de la valeur ajoutée au sein des filières. Cet écart met notre production alimentaire en danger», a-t-il ajouté.
A cet égard, il a souhaité une initiative de la Commission européenne pour garantir «une véritable régulation» du prix des matières premières agricoles. Et de demander que la Commission fasse en sorte de «limiter la spéculation croissante et d'encadrer les produits financiers dérivés sur ces marchés».
«La France ne transigera pas avec cet impératif», a-t-il insisté, ajoutant: «L'idée de la toute puissance du marché qui ne devait être contrariée par aucune règle, aucune intervention politique, est une idée folle.»
Au sujet de la crise du lait le chef de l'Etat a émis le souhait que la Commission européenne aille beaucoup plus vite pour proposer des régulations de la filière.
«A la demande de la France et de l'Allemagne, la Commission européenne a mis en place un groupe de travail pour préparer les mesures d'une meilleure organisation de la filière laitière», a-t-il rappelé.
«Au rythme d'une réunion par mois, les conclusions de la Commission devraient être rendues en juin», a-t-il déploré. «Ces délais sont inacceptables. Il faut qu'elle accélère ses travaux.»
Si la Commission européenne «veut préserver son droit d'initiative, elle doit proposer des solutions opérationnelles plus adaptées à la réalité du terrain», a-t-il insisté.
Il demandera donc «au conseil européen du 30 octobre 2009 que la Commission européenne propose, dès le début de 2010, un renforcement des outils de régulation du marché laitier». Nicolas Sarkozy en parlera dès mercredi avec la chancelière allemande Angela Merkel qu'il recevra à dîner à l'Elysée.
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