En position d'accusé pour sa production massive de biocarburants, le Brésil tente de convaincre que celle-ci n'est en rien responsable de la flambée des denrées alimentaires qui provoque troubles et émeutes dans les pays les plus pauvres.
Les accusations les plus vives sont venues du rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l'alimentation, le Suisse Jean Ziegler, qui a accusé les biocarburants d'être «un crime contre l'humanité». Ces déclarations fracassantes au journal français Libération ont été largement reprises par la presse brésilienne.
De manière plus diplomatique, le premier ministre britannique, Gordon Brown, comme le directeur de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) ont demandé de mesurer l'impact des biocarburants sur les prix alimentaires.
Ces critiques sont relayées au Brésil par des mouvements paysans comme Via Campesina, qui a réclamé un «moratoire» sur les biocarburants, lors d'un Forum à Brasilia, qui s'est tenu en marge de la trentième conférence régionale de la FAO.
Cette réunion, qui sera officiellement ouverte mercredi par le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva, rassemble jusqu'à vendredi trente-trois pays latino-américains.
Depuis lundi, les travaux préparatoires ont été dominés par la crise alimentaire mondiale dont «les conséquences seront terribles» dans les pays pauvres si les prix continuent à grimper, selon le directeur général du Fonds monétaire international (FMI), Dominique Strauss-Kahn.
La montée des critiques dans le monde contre l'extension des surfaces agricoles consacrées à la production des biocarburants est particulièrement sensible au Brésil, déjà sur la sellette pour la déforestation de l'Amazonie.
Les biocarburants, considérés jusqu'à maintenant comme une des meilleures alternatives à l'essence pour enrayer le réchauffement climatique, sont de plus en plus tenus pour responsables – au moins partiellement – de la flambée des denrées alimentaires de base.
Via Campesina, par exemple, affirme que la production de biocarburants détourne une partie des terres qui devraient être consacrées à des cultures vivrières.
Face aux critiques, le Brésil, qui s'enorgueillit d'être le second producteur mondial d'éthanol après les Etats-unis, fait front. Aujourd'hui, «les Chinois mangent, les Indiens mangent, le Brésiliens mangent», a lancé le président Lula, en voyage officiel aux Pays-Bas, en expliquant que le nombre croissant de bouches à nourrir était la cause principale de la hausse des prix.
Le directeur international de la très puissante compagnie pétrolière brésilienne Petrobras, Jorge Zelada, a aussi affirmé mardi à la presse que «la production de canne à sucre ne prend pas la place de la production alimentaire».
L'influente Association de l'industrie de la canne à sucre souligne de son côté que les champs de canne destinés à la production d'éthanol ne représentent qu'un peu plus de 1% des terres arables du pays et que leur extension ces dernières années n'a pas empêché le Brésil d'être devenu un des grands exportateurs de viande de boeuf, de poulet, de soja ou de jus d'orange.
Le Brésil est ainsi, avec l'Argentine, le principal gagnant de la hausse des produits agricoles, à la différence de la grande majorité des pays latino-américains.
Ceux-ci ont réaffirmé à Brasilia que leur priorité était de garantir la sécurité alimentaire. Mais, peut-être dans un souci de ne pas froisser leur grand voisin, ils ont affirmé, comme le représentant du Venezuela, qu'il fallait aussi «prendre en compte les besoins en matière d'énergie».