Des prix records et une volatilité inédite… et qui devraient durer. Les orateurs qui se sont succédé à la tribune de la conférence du Conseil international des céréales (CIC) à Londres, le 12 juin, ont tous dépeint un marché céréalier en rapide mutation. «Malgré une récolte record annoncée à 1,7 milliard de tonnes toutes céréales confondues, la consommation mondiale sera au moins équivalente, et cette augmentation des utilisations va se poursuivre», a rappelé le directeur du CIC, Etsuo Kitahara.
La hausse du niveau de vie et la consommation croissante de produits carnés dans les pays asiatiques expliquent en partie cette demande accrue en céréales. Mais plus encore que ces nouveaux besoins alimentaires, l’essor exponentiel des biocarburants a constitué le fil rouge tout au long des exposés, avec en filigrane le risque d’une dangereuse compétition entre débouchés alimentaire et énergétique. «Il ne faut pas considérer les biocarburants comme de gros consommateurs de céréales, mais voir comment ils sont susceptibles d’apporter des solutions au changement climatique», a tempéré le représentant d’Abengoa bioenergy, l’une des multinationales du bioéthanol.
Sa plaidoirie a pourtant moins convaincu que les chiffres présentés par Kendell Keith, président de la National Grains and Geed Association. Selon l’étude menée par des chercheurs de l’université de l’Iowa, un prix situé entre 65 et 70 dollars le baril pourrait conduire à une production américaine de bioéthanol multipliée par quatre d’ici à 2016, soit plus d’un milliard d’hectolitres. Cette utilisation massive dans les usines se traduirait par une hausse marquée des prix du maïs et, par ricochet, des autres céréales et des produits alimentaires mondiaux.
Les autorités chinoises ont d’ailleurs décidé d’intervenir sur leur marché national, lui aussi exposé à la frénésie des biocarburants. «La production de maïs doit d’abord répondre à la demande alimentaire et fourragère, et nous souhaitons pouvoir diversifier les matières premières entrant dans la fabrication de l’éthanol», a expliqué Qiangmin Shang, du Centre d’information national chinois sur les céréales et les oléagineux. Le débat ne fait probablement que commencer.