Jeudi en début d’après-midi, des agriculteurs venus visiter le salon Innov-Agri se sont retrouvés, lors d'une conférence, autour d’un thème crucial pour l’avenir de leur métier: les enjeux du bilan de santé de la Pac pour l’après-2013.
Jean-Marie Aurand, le directeur général des politiques économiques, européennes et internationales du ministère de l’Agriculture a décliné le projet de réforme de la Commission européenne: possibilité de régionaliser les aides, généraliser leur découplage de la production, amoindrir, voire supprimer les mécanismes de gestion des marchés, augmenter de 1% par an les quotas laitiers (suppression en 2015) et amplifier la modulation.
«Il ne s’agit pas de toucher aux fondamentaux de 2003, a insisté le représentant du ministre. Ce n’est qu’une étape intermédiaire qui permet les adaptations nécessaires à l’après-2013.»
Il a expliqué que la France était fermement opposée au démantèlement des outils de gestion des marchés ainsi qu’à une suppression trop brutale des quotas. «Si une large majorité des Etats membres est "pour" car le lait est un secteur compétitif chez eux, en France nous avons le souci d’éviter de déstabiliser le marché et de déménager la production vers les zones les plus productives», a-t-il souligné.
A la tête l’Union européenne jusqu’à la fin de l’année, la France luttera pour un article 69 le plus ouvert possible. Cet article permet en effet de mobiliser des fonds du premier pilier de la Pac (soutiens aux marchés) vers des productions sensibles ou des programmes d’assurance récolte. Paris n’a pas que des alliés dans ce dessein. Certains craignent des distorsions de concurrence entre les producteurs des différents pays. Néanmoins, la présidence française espère trouver un compromis entre les 27 d’ici à novembre, «sans laisser de côté nos intérêts», a affirmé Jean-Marie Aurand.
Pour Hervé Guyomard, directeur de recherche à l’Inra, il faut que les agriculteurs prennent conscience du contexte mondial actuel. «Les aides vont commencer à diminuer. Il faudra le faire progressivement. Mais les jeunes qui s’installent doivent être prévenus, a-t-il averti. Quelle que soit la décision prise d’ici à la fin de l’année, il ne faut pas se dire que l’on est tranquille pour un moment. La réflexion pour la Pac d’après-2013 va commencer aussitôt.»
Les questions budgétaires vont alors se poser et les autres secteurs vont réclamer leur part du gâteau et la définition d’autres priorités comme l’emploi, l’éducation, la recherche ou encore la cohésion sociale.
«Il faut travailler à légitimer la Pac, dans ses montants actuels et non dans ses modalités, a conseillé le chercheur. Il faudra prendre en compte l’environnement, les territoires, le pouvoir de marché et la sécurité des hommes et des produits.» Pour lui, le bilan de santé de la Pac devra aussi être suffisamment flexible pour ne pas contraindre les choix nationaux de demain.
Hervé Morize, le président de la Saf-Agriculteurs de France, l’a confirmé: «En 2009, le Parlement européen aura son mot à dire sur le budget agricole. Mais l’agriculture ne sera pas son seul souci. Il faut s’y préparer et convaincre du bien-fondé des soutiens. Nos deux arguments: répondre à une sécurité alimentaire et le soutien environnemental.»