L’Australie ne perd pas le nord. A l’heure de la crise alimentaire mondiale, le pays réfléchit plus que jamais à étendre ses surfaces agricoles, en colonisant les régions tropicales du Nord-Ouest.
«Plus de trois millions de kilomètres carrés sont potentiellement disponibles entre Broome et Darwin», estime Don McKay, qui dirige l’une des plus grosses propriétés de la région. Tournée presque exclusivement vers l’élevage de bovins, la région dispose d’une pluviométrie suffisante pour devenir, selon les experts, le nouveau jardin d'Eden du pays.
«Il est tout à fait envisageable d’établir d’importantes plantations de produits adaptés au climat chaud et humide du Nord, comme les fruits et légumes tropicaux, la canne à sucre ou le maïs. Sans oublier les biocarburants», reprend Don McKay, qui travaille sur le sujet depuis plusieurs décennies.
Le sujet n’est en effet pas nouveau en Australie, mais les difficultés rencontrées depuis dix ans par les fermiers du Sud-Est australien l’ont remis au goût du jour. «Avec l’assèchement progressif du bassin de la Murray-Darling, les cultures d’irrigation sont en grande difficulté dans les régions agricoles traditionnelles du pays», observe Gary Gray, qui coordonne le dossier pour le gouvernement fédéral.
La possibilité de mettre en culture les plaines immenses du Nord, qui recueillent chaque année plus des deux tiers des précipitations du pays, «répond à une logique économique qui commence à séduire un grand nombre de fermiers du Sud», constate encore le parlementaire.
Plus de 20.000 agriculteurs pourraient à terme migrer vers le Nord pour démarrer sur des propriétés de plus de 1.000 hectares de superficie, les cultures d’exportation qui approvisionneraient à terme les marchés de l’Asie.
Après avoir longtemps refusé d’y accorder la moindre attention, les pouvoirs publics supportent aujourd’hui le projet. Le gouvernement d’Australie occidentale a prévu d’ouvrir en novembre prochain plus de 20.000 hectares et Canberra a débloqué une première enveloppe de 250 millions d’euros pour démarrer les infrastructures nécessaires à cette redéfinition géographique de l’agriculture australienne.
L'interview, MICK KEOGH, directeur exécutif de l’Institut australien pour l’agriculture «L'objectif est d'attirer de nouveaux agriculteurs»La France Agricole: Quelles sont les raisons qui motivent aujourd’hui le développement agricole du Nord? Mick Keogh: D’abord les difficultés provoquées par la sécheresse récurrente dans les bassins traditionnels de l’agriculture australienne. Ensuite, les importants développements en termes d’équipements et d’infrastructures dont a fait l’objet la région ces dernières années dans la foulée du secteur minier. Enfin, les besoins énormes en nourriture des pays de l'Asie, qui garantissent un marché important à proximité immédiate des zones de culture. F.A.: Quels sont les besoins en termes d’infrastructures? M.K.: Ils se chiffrent en milliards de dollars. Il faut des routes, des ports spécifiques, d’importantes sources d’énergie et des systèmes d’irrigation. Beaucoup reste encore à construire, mais les gouvernements semblent enfin décidés à investir les sommes nécessaires. F.A.: Quelle est la réaction des agriculteurs? M.K.: Pour la première fois, ils suivent le dossier de très près et plusieurs milliers d’entre eux semblent aujourd’hui prêts à franchir le pas. L’ouverture des terres du Nord doit permettre d’attirer de nouveaux agriculteurs plutôt que de provoquer une migration massive de ceux présents dans le Sud. Propos recueillis à Brisbane par Olivier Caslin |