Les ministres de l'Agriculture de l'UE se sont prononcés lundi pour un encadrement plus strict de la commercialisation d'aliments issus d'animaux clonés, mais sans aller jusqu'à leur interdiction pure et simple réclamée par des ONG et les eurodéputés.
Lors d'une réunion à Luxembourg, ils ont adopté un projet de réglementation en Europe concernant «les nouveaux aliments». Il concerne toute une série de produits exotiques allant des algues au plancton jusqu'aux larves de scarabées, mais aussi et surtout, les produits alimentaires tirés d'animaux clonés et de leur descendance.
Ce projet vise officiellement, en imposant une procédure d'autorisation stricte et uniformisée dans l'UE pour tous ces produits, à stimuler le développement et la mise sur le marché de l'UE «d'aliments innovants sûrs» tout en garantissant «un niveau élevé de sécurité des aliments et de protection de la santé humaine».
Ces produits devront avant toute commercialisation obtenir le feu vert de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et de la Commission européenne. Les promoteurs du projet assurent qu'il s'agit d'un durcissement des règles en vigueur, car à l'heure actuelle la commercialisation des produits d'animaux clonés n'est pas clairement réglementée en Europe.
Le texte adopté concerne non seulement les produits d'animaux clonés, mais aussi ceux issus de leur descendance de première génération (issue par exemple de l'accouplement naturel de deux ovins clonés), qui ne font actuellement l'objet d'aucune réglementation.
Grâce à ce dernier point, la ministre allemande de l'Agriculture, Ilse Aigner, qui s'est dite personnellement «sceptique» sur les aliments clonés, a parlé d'un progrès et d'un «durcissement très net des règles en vigueur sur la viande clonée».
La décision de l'UE, qui sera soumise à l'approbation du Parlement européen, pourrait néanmoins susciter la controverse car elle autorise au final la commercialisation, même très contrôlée, d'aliments issus du clonage.
Le Parlement européen, soutenu par diverses ONG, s'est lui déjà clairement prononcé en faveur d'une interdiction catégorique de toute commercialisation de ce type de produits en raison des risques potentiels sur les animaux et sur les humains. En début d'année, il avait penché pour une interdiction pure et simple de toute commercialisation.
La décision des ministres a été sévèrement critiquée par les écologistes au Parlement européen. Dans un communiqué ils se sont dits «profondément préoccupés par le fait que les gouvernements européens laissent la porte ouverte à la vente de viande clonée». «C'est un parfait scandale», a estimé le député européen Vert français José Bové.
Toutefois, d'ores et déjà plusieurs ministres ont fait savoir que le texte adopté par leurs soins lundi n'était qu'un compromis entre les pays favorables et opposés au clonage, appelé à être ultérieurement encore modifié.
Michel Barnier, qui vient d'être élu député européen et est pressenti pour devenir le prochain commissaire européen de la France a annoncé la couleur: «là où je serai je me battrai pour l'interdiction pure et simple» des aliments clonés «comme pour le boeuf aux hormones ou le poulet chloré».
Le Parlement va à présent examiner le projet de réglementation, ce qui augure d'une longue bataille avec les Etats, soucieux à la fois d'être à l'écoute des craintes de leurs citoyens sur se sujet sensible, tout en ne barrant pas définitivement la route à des avancées scientifiques possibles.
Le sujet du clonage reste très controversé dans l'opinion. Selon une enquête européenne de fin 2008, 58% des Européens pensent que le clonage des animaux pour la production alimentaire «n'est pas justifiable» et plus de 43% affirment qu'ils n'achèteront «probablement jamais de tels produits».
Il y a un an, en juillet 2008, l'EFSA avait elle-même émis des réserves sur la commercialisation future d'aliments provenant d'animaux clonés, contrairement à son homologue américaine (FDA) qui n'avait rien trouvé à redire.