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Article 1 :

Protéger les captages : la servitude a un coût

Si la protection des aires d'alimentation des captages d'eau potable est un objectif partagé, les négociations pour définir des outils financiers appropriés restent encore à finaliser.

« Dans la Seine-et-Marne, 50 % du territoire, soit plus de 1.200 exploitations sur environ 160.000 ha, sont concernés par la protection des aires d'alimentation des treize captages d'eau potable grenellisés », relève Christophe De Rycke, président de la FDSEA 77. Nous proposons à l'agence de l'eau des actions financées et adaptées à notre territoire, qui seront mises en place en 2012-2013. En 2014, si ces mesures ne sont pas assez souscrites, elles deviendront certainement obligatoires et non aidées, comme l'indique la loi sur l'eau. »

La mise en œuvre du Grenelle de l'environnement a entraîné l'identification de 507 captages d'eau potable les plus menacés en France. Le but : établir des plans d'action d'ici à 2012 pour protéger les aires d'alimentation des pollutions diffuses.

Ce programme s'ajoute au dispositif des périmètres de protection mis en place par le ministère de la Santé pour lutter contre les pollutions ponctuelles et accidentelles.

Concernant les captages prioritaires, si aucun compromis n'est trouvé dans le cadre du comité de pilotage composé de tous les acteurs du territoire, industriels, agriculteurs, collectivités, agence de l'eau, direction départementale des territoires, entreprise de traitement des eaux, etc., un dispositif réglementaire pourra alors être mis en place : les zones soumises aux contraintes environnementales (ZSCE).

 

Trouver un compromis

Dans ce cas-là, les aires d'alimentation de captage seront identifiées et délimitées et un programme d'actions sera défini par le préfet avec des contraintes telles que des souscriptions obligatoires aux mesures agroenvironnementales territorialisées (MAET) sans aide financière.

L'objectif est donc bien, dans les bassins, de trouver un compromis, grâce à la concertation, avant d'en arriver là. Et ce n'est pas toujours chose aisée.

Dans le bassin Seine-Normandie par exemple, le but affiché est bien de garder des mesures volontaires et d'éviter de mettre en place les ZSCE qui seraient synonymes d'échec de la concertation (lire le témoignage). Deux axes de travail ont été choisis pour faire avancer les négociations entre les chambres d'agriculture, l'agence de l'eau Seine-Normandie et les entreprises de l'eau : continuer de travailler avec les collectivités territoriales qui gèrent les captages (syndicat d'eau, mairie...), faire évoluer les mesures du catalogue PDRH (1) en prenant l'exemple de la gestion allemande et les financer.

Outre les MAET, d'autres mesures peuvent être aussi mises en place pour protéger les captages tels que les baux ruraux environnementaux, les échanges de parcelles... autant d'outils à adapter aux territoires et aux productions en place. A chacun donc de s'organiser.

Dans la Seine-et-Marne, la profession a proposé une liste de mesures. Parmi celles-ci figurent la protection des zones d'engouffrement (relation rapide entre les eaux de surface et les eaux souterraines), l'élargissement des bandes enherbées le long des cours d'eau, la mise aux normes de toutes les exploitations, la réalisation d'un diagnostic agroenvironnemental sur les 2.500 exploitations du département pour connaître son IFT (2) et aussi prévu, ainsi qu'une MAE « -50 % d'IFT » et une autre « -30 % d'IFT ».

« Les agriculteurs ont beaucoup de difficultés à aller au bout des cinq ans d'engagement, pour atteindre une réduction de 50 % de l'IFT. L'assolement doit parfois être fortement modifié, avec des conséquences économiques importantes. Nous ne pouvons pas promouvoir des techniques au détriment de la santé financière des exploitations. La MAE "-30 % d'IFT" pourrait permettre un maintien d'une certaine production et convenir à davantage d'agriculteurs, grâce à une compensation de 100 euros/ha. Nous demandons aussi une prime au maintien de cette mesure au-delà des cinq ans d'engagement pour une action sur le long terme. »

_____

(1) PDRH : programme de développement rural hexagonal.

(2) IFT : indice de fréquence de traitement.

 

 

Témoignage : Clotilde Hareau, agricultrice à Moulines, dans le Calvados, et présidente de l'association Captages 14

« Nous voulons préserver l'eau mais avec des compensations pérennes »

« En avril 2009, nous étions une cinquantaine d'agriculteurs à exploiter sur les 670 ha du périmètre rapproché du captage d'eau potable de Caen (Calvados). Le projet d'arrêté prévoyait de figer la situation du foncier et des corps de ferme sans plus aucune évolution possible.

Ce captage a ensuite été défini parmi les 507 prioritaires du Grenelle avec des contraintes supplémentaires. Nous en avons treize dans le Calvados.

En février 2010, avec une quinzaine d'agriculteurs, nous avons donc décidé de créer l'association Captages 14, cercle d'agriculteurs et de propriétaires travaillant pour l'aménagement, la gestion de l'eau et sa sauvegarde.

Aujourd'hui, 350 agriculteurs et propriétaires sont adhérents et représentent une surface de 20.000 ha dans le Calvados.

Nous sommes tous d'accord pour protéger l'eau mais souhaitons être indemnisés tout le temps de la servitude (pompage de l'eau dans ce captage). Nous avons investi pour nous installer et nous avons signé avec en-tête des projets de construction de bâtiments d'élevage, d'agrandissement...

Si nous avions su que la photographie de notre exploitation ne devait pas changer, la plupart des agriculteurs ne se seraient pas installés. D'autant que, du coup, notre outil de travail perd énormément de valeur à la revente !

Nous serions aussi d'accord pour souscrire des MAE, mais elles ne sont pas adaptées à nos productions (céréales, betteraves, lin, légumes, élevage...) et le financement ne porte que sur cinq ans.

Dans notre aire d'alimentation de captage, l'Administration nous propose par exemple de réduire de 40 % l'IFT et de 65 unités d'azote à l'hectare pour 205 €/ha. Cela ne suffit pas et ces contraintes vont engendrer un grave préjudice pour nos exploitations.

Notre seul moyen de pression est de menacer l'administration de ne plus épandre les boues des stations d'épuration des collectivités. Nous avons aussi demandé un état des lieux des résultats du quatrième programme d'action de la directive nitrates, avant de nous imposer de trop fortes contraintes.

Nous avons besoin de concertation et d'une vraie volonté politique pour avancer dans l'intérêt de tous les acteurs de notre territoire. De sérieux contacts ont déjà été pris avec l'agence de l'eau de Seine-Normandie et la préfecture. Reste à continuer nos négociations. »

 

 

Bassin Artois-Picardie : des mesures hors MAE validées par Bruxelles

Dans le bassin Artois-Picardie, qui compte 400.000 ha de zones à enjeu eau potable (dont treize captages « grenellisés »), les souscriptions aux MAE se développaient peu.

Devant ce constat, la profession et l'agence de l'eau ont demandé l'autorisation au ministère de l'Agriculture de proposer de nouvelles mesures à la Commission.

« Un an après, en juillet 2010, Bruxelles a donné son accord, à titre expérimental, pour développer ces nouvelles mesures en dehors du catalogue du PDRH et, au 1er octobre, 369 dossiers (soit 12.700 ha) ont été constitués, compte Sébastien Labrune, chef du service de l'agriculture à l'agence de l'eau. Des mesures qui représentent un budget, sur cinq ans, de 9.300.000 €, financé par l'agence. »

« Les mesures du catalogue PDRH sont prises à la parcelle et cela ne convient pas du tout à nos systèmes de culture. Les nouvelles mesures, accessibles jusqu'en 2012, sont adaptées à chaque production et facilitent ainsi les échanges de parcelles, les rotations... et sont aussi accompagnées d'un financement », explique Emmanuel Dutertre, de la chambre d'agriculture de la Somme.

Sur blé, par exemple, la protection intégrée est développée avec trois niveaux d'aide, allant de 101 à 194 €/ha pendant cinq ans selon les pratiques. Sur maïs, l'absence de désherbage chimique en plein est soutenue par une aide de 113 €/ha (200 €/ha en légumes).

Sur betteraves, l'aide est portée à 168 €/ha à condition de ne réaliser que trois désherbages chimiques au maximum. Les exploitations engagées doivent aussi mesurer tous les ans leur IFT afin de suivre l'évolution.

Mais après les cinq ans de contrat, reste la question du financement.Le seul bémol, finalement, est que cette situation quasi idéale, qui fait déjà figure d'exemple dans les campagnes, ne sera pas forcément reproductible, l'autorisation de Bruxelles étant à titre expérimental.

 

 

par Florence Mélix

(publié le 10 décembre 2010)

 



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