En quoi consiste votre collaboration avec les instituts agricoles ?
Nous mettons à disposition les données météorologiques sous forme de scénarios climatiques, et des méthodes de « descente d'échelle » permettant d'obtenir des données fines à l'échelle d'un territoire.
Pour étudier l'impact du changement climatique sur l'agriculture, nous avons collaboré avec l'Institut de l'élevage, Arvalis et l'Inra, et intégré les modèles de culture classiques de l'Inra, qui modélisent l'évolution des cultures dans l'année, pour les utiliser avec les données climatiques jusqu'à 2100.
Comment sont élaborés ces scénarios climatiques ?
Les modèles numériques utilisés représentent la dynamique de l'atmosphère et ses lois physiques sur l'ensemble du globe. Ils sont couplés à des modèles représentant les autres composantes (océans, végétation, fleuves, chimie atmosphérique, calottes polaires, cycle du carbone...).
Ces modèles climatiques sont les mêmes que ceux utilisés pour la prévision météo opérationnelle, donc validés quotidiennement à ce titre. Nous les faisons tourner sur une longue période en les soumettant à différents scénarios d'émissions de gaz à effets de serre.
Au lieu de prévisions pour un lieu et un jour donné, on en tire un signal climatique à l'horizon 2100 (un peu plus chaud, un peu plus humide...). Sur le XXe siècle, les tendances de températures simulées par les modèles sont cohérentes avec les observations, aussi bien à l'échelle globale qu'à l'échelle de la France.
Qu'a-t-on observé en France et que prévoit-on en 2100 ?
Sur un siècle, le réchauffement dépasse légèrement 1 °C en moyenne annuelle. Les températures minimales se sont plus réchauffées que les températures maximales, davantage en été qu'en hiver. La tendance est plus nette sur les trente dernières années.
Pour les précipitations, il n'y a rien de statistiquement significatif. La tendance est plutôt à la baisse en été, mais n'est significative que sur quelques points du territoire.
D'ici à la fin du siècle, on prévoit 1,5 à 4,5 °C supplémentaires en moyenne selon les choix de croissance économique, l'évolution démographique et les sources d'énergie utilisées (3 °C suivant l'hypothèse médiane).
Le climat serait plus chaud en moyenne, mais plus variable, avec des épisodes chauds plus fréquents et des épisodes froids à peu près constants. Il y aurait davantage d'événements extrêmes tels que canicules et sécheresses. Concernant les tempêtes, rien n'est prouvé.
Quelle est l'incertitude liée aux modèles ?
La confrontation de tous les modèles existants montre beaucoup de points convergents, notamment sur les températures. Il y a beaucoup moins de certitudes sur les précipitations.
Pratiquement tous les modèles montrent une diminution des pluies dans le Sud et une augmentation dans le Nord, mais tous ne placent pas la frontière au même endroit. Or la France se trouve à la charnière, et peut donc se trouver d'un côté comme de l'autre.
Quel devrait être l'impact sur l'agriculture française ?
A l'échelle européenne, nous assisterons à une remontée vers le Nord des zones de culture comme la vigne, le maïs, le tournesol... Nous savons aussi que toutes les cultures ne réagiront pas de la même manière.
Les plantes en C3 (blé, riz, betterave, pomme de terre...) peuvent accroître de 30 % leur activité photosynthétique si on double la concentration en CO2, là où les plantes en C4 (maïs, sorgho...) n'augmentent que de 10 %.
La hausse de température serait bénéfique jusqu'à 2 voire 3 °C, puis néfaste au-delà. Enfin, les épisodes froids pourront causer plus de dégâts en survenant à des stades plus précoces, puisque la végétation se décale en réponse au réchauffement.
Quels sont les biais majeurs ?
Nous ne savons pas quelles variétés seront utilisées dans cent ans ni comment les techniques agricoles auront progressé. Nous n'intégrons pas non plus les données économiques. Nous supposons que les cultures sont choisies en fonction de leur adaptation au climat, alors que le contexte économique est aussi déterminant.
propos recueillis par Bérengère Lafeuille (publié le 5 mars 2010)
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