Entre Toulouse et la montagne pyrénéenne, Alain Benzenet exploite 160 hectares à Cazères-sur-Garonne (Haute-Garonne) : 120 ha de grandes cultures (maïs, sorgho, tournesol, semences), 2,5 ha de kiwi et 38 ha de prairies, aujourd'hui destinées à la vente de foin.
Au début de 2008, les dernières vaches ont été vendues, la flambée des prix de l'aliment (+100 euros par tonne), consécutive à celle des céréales, ayant convaincu l'éleveur de jeter l'éponge.
Problème, l'ardoise chez le fabricant d'aliment, Coopeval, atteignait 87.000 € (capital et intérêts) au 30 avril 2009. Un règlement amiable ayant échoué, Alain Benzenet est condamné à régler sa dette par le tribunal de grande instance (TGI) de Saint-Gaudens, en juillet 2009.
Cette affaire menaçant à terme la survie de son exploitation, l'agriculteur contacte aussitôt une avocate, qui lui conseille d'engager une procédure de sauvegarde dans la mesure où l'exploitation n'est pas en cessation de paiement.
Plus de douze mois d'observation
Le tribunal de grande instance accède à sa demande le 22 septembre 2009 et désigne un mandataire judiciaire (qui a la double signature pendant la durée de la sauvegarde), Claude Domenget, expert auprès des tribunaux.
Le TGI décide une période d'observation de six mois, qui sera reconduite pour six mois supplémentaires et même un peu plus – soit jusqu'au 16 novembre 2010 – pour couvrir l'ensemble du cycle végétatif (récolte du maïs et des kiwis).
Durant ce délai, tous les remboursements non exigibles au jour de l'ouverture de la sauvegarde sont suspendus. Alain Benzenet ne peut plus être poursuivi, opposant la procédure en cours à tous ses créanciers.
« Voyez avec M. Domenget », leur explique-t-il. Après plusieurs mois d'incertitudes – « au départ, j'étais motivé pour arrêter, pas pour continuer. Le centre de gestion lui-même n'y croyait pas » –, cela a contribué à lui redonner le moral.
Une sérénité retrouvée
Pendant la sauvegarde, l'exploitation poursuit son activité et retrouve rapidement une trésorerie « normale ».
Au vu de ce redressement convaincant, le TGI arrête un plan de sauvegarde le 7 décembre 2010, un plan approuvé par les créanciers, sans abandon de créances certes : les 330.000 euros de dettes (la moitié due aux différents fournisseurs, l'autre à la banque) seront remboursés sur dix ans, à raison de 33.500 euros par an.
Un montant qui ne menace pas l'équilibre économique de l'exploitation. L'ensemble de la procédure aura coûté environ 13.000 euros (honoraires d'avocat et de mandataire judiciaire essentiellement) à l'agriculteur. C'est le prix à payer pour reconquérir son autonomie de gestion et envisager avec sérénité la poursuite de son activité professionnelle.
Différentes procédures
Le traitement administratif et le règlement à l'amiable sont des mesures spécifiques aux agriculteurs en situation fragile. S'y ajoutent les procédures de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaires. |
Prendre ses dispositions avant la cessation des paiements La procédure de sauvegarde, réformée en 2009 (1), est devenue plus accessible et plus attractive en agriculture (2). Elle poursuit un triple objectif. Dans l'ordre : - assurer la continuité de l'activité, - maintenir l'emploi, - permettre le paiement des créanciers. La sauvegarde est mise en œuvre à l'initiative du seul chef d'entreprise, pourvu que cette dernière ne soit pas en cessation de paiement, ni même à la veille de l'être. L'agriculteur accède à cette procédure par une déclaration de sauvegarde qu'il dépose au greffe du tribunal de grande instance dont dépend le siège de l'exploitation. S'ouvre alors une période d'observation, d'une durée maximale de six mois, renouvelable une fois. Pour une exploitation agricole, elle pourra être prorogée jusqu'au terme de l'année culturale en cours. La période d'observation est mise à profit pour dresser un diagnostic économique et social de l'entreprise, ainsi qu'un inventaire du patrimoine du débiteur, et pour opérer une consultation des créanciers. Ces derniers doivent déclarer leurs créances dans les deux mois suivant la publicité du jugement d'ouverture pour être pris en compte et payés. L'ouverture de la procédure suspend les poursuites des créanciers, interdit tout paiement d'une dette antérieure au jugement et arrête les intérêts des dettes inférieures à douze mois. Elle protège aussi les cautions. Durant cette période, l'exploitant conserve en général la maîtrise de la gestion courante de son entreprise. Le plan de sauvegarde, arrêté par le tribunal, définit les modalités de règlement du passif. Pour un agriculteur, sa durée peut atteindre quinze ans. En cas d'échec du plan de sauvegarde, le tribunal peut décider du redressement ou de la liquidation judiciaire. _____ (1) Ordonnance du 18 décembre 2008 réformant le droit des entreprises en difficulté. (2) Lire le cas de gestion « Procédure de sauvegarde : pour préserver l'exploitation en difficulté », du 4 septembre 2009. |
par Benoît Contour (publié le 24 juin 2011)
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