Publié le mercredi 03 juin 2015 - 14h25
Une rizière produisant jour et nuit assez d'électricité pour un village isolé du sud-est asiatique ? Ce doux rêve prend forme aux Pays-Bas, où des scientifiques développent un système qui génère du courant grâce aux plantes poussant dans des milieux saturés en eau.
« Le principe, c'est que la plante produit plus d'énergie qu'elle n'en a besoin », explique à l'AFP Marjolein Helder, qui dirige Plant-e, société basée à Wageningen (est des Pays-Bas) : « l'avantage de ce système par rapport à l'éolien ou au solaire, c'est qu'il fonctionne même la nuit et quand il n'y a pas de vent ».
Fondée en 2009, Plant-e commercialise et perfectionne un système imaginé par des chercheurs de l'université de Wageningen et breveté en 2007. Ce système permet de produire de l'électricité pour peu que l'on dispose de plantes poussant dans un milieu saturé en eau, que ce soit à grande échelle, comme dans une mangrove, une rizière, un marais ou une tourbière, ou simplement dans un pot ou dans un jardin.
« Récolte » d'électrons
« Il n'en est qu'à ses débuts et beaucoup de choses doivent encore être grandement améliorées, mais son potentiel est énorme », soutient Jacqueline Cramer, professeur en innovation durable à l'université d'Utrecht et ancienne ministre en charge de l'Environnement aux Pays-Bas. « Si ce système devient assez performant, on peut imaginer fournir en électricité des zones reculées ou même en installer dans nos villes et campagnes pour produire de l'énergie verte », poursuit-elle.
La technologie est liée à la photosynthèse, via laquelle la plante produit notamment de la matière organique. Cette matière est utilisée par la plante, mais l'excédent est rejeté dans le sol via les racines, autour desquelles vivent des micro-organismes qui s'en nourrissent et libèrent des électrons. En plaçant des électrodes en carbone à proximité des racines, on « récolte » ces électrons et on peut générer du courant.
Produire de l'électricité grâce aux plantes n'est pas un concept neuf, « mais ici nous n'avons pas besoin d'endommager la plante, c'est un système non intrusif », souligne Mme Helder. Seul hic, si l'eau gèle ou s'évapore, le système arrête de fonctionner. « Mais il suffit de rajouter de l'eau ou que la glace fonde, et c'est reparti », assure Mme Helder. Cela étant, « il y a pas mal de régions du monde qui n'ont pas ce problème ».
Un chemin encore long...
Plant-e vend actuellement son système sous la forme de petites plaques en plastique de 50 centimètres de côté qui s'assemblent les unes aux autres en intégrant et les plantes et la technologie. Il est destiné à être installé dans des lieux publics ou sur des toits d'immeubles, notamment.
Pour couvrir une surface de 100 m2, il en coûtera 60.000 euros. Mais le produit phare est en développement : un système en forme de tube qui pourra être directement immergé dans un milieu saturé en eau.
Le champ d'application potentiel est vaste, mais l'Asie du sud-est, qui regorge de rizières, mangroves et autres zones humides et où l'accès à l'électricité est difficile, apparaît comme un terrain particulièrement adapté. Selon des chiffres de la Banque mondiale, moins de la moitié de la population du Cambodge (31 %) et de la Birmanie (49 %) ont accès à l'électricité. Le Bangladesh (55 %) ou le Laos (66 %) font un peu mieux.
... mais un potentiel « énorme »
Le chemin est pourtant encore très long pour Plant-e, qui survit pour l'instant surtout grâce à des subsides : les coûts doivent être réduits et, surtout, l'efficacité améliorée. Actuellement, une installation du système sur 100 m2 permet seulement de recharger un smartphone, d'allumer une série d'ampoules LED ou d'alimenter une borne wifi, estime Mme Helder.
Dans « quelques années », Plant-e espère produire 2.800 kWh par an avec la même surface, soit environ 80 % des besoins en électricité d'un ménage néerlandais moyen (2,2 personnes). Pour tester la technologie à plus grande échelle, deux systèmes de 100 m2 chacun - d'un coût total de 120.000 euros - ont été installés sur un pont et dans un pôle économique avec l'appui des pouvoirs locaux.
« Nous voulions aider au développement de cette technique qui a un potentiel énorme », explique Bas Boeker, directeur de projet au sein de l'organisation gérant une partie de l'immobilier de l'Etat. Les premiers résultats sont encourageants et les obstacles ne sont pas toujours ceux auxquels on s'attend : sur un des systèmes, des ampoules LED placées sur le rail de sécurité d'un pont enjambant une autoroute ont été vandalisées et détruites.
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