FAO, Banque mondiale et PAM ont appelé mercredi les Européens à prouver qu'ils ont du «coeur» et du «leadership» en débloquant, malgré leurs réticences, un milliard d'euros de fonds agricoles – non utilisés – pour aider les pays pauvres frappés par la crise alimentaire.
«Ce milliard d'euros mettrait l'Europe dans un rôle de leadership pour répondre à la crise alimentaire mondiale. Cela enverrait un message puissant, et même un message poétique aux fermiers les plus pauvres (en leur disant que) vous êtes solidaires avec eux», a déclaré mercredi à Bruxelles Josette Sheeran, la directrice exécutive du Programme alimentaire mondial des Nations unies (PAM).
«Ce que vous envisagez là est un acte extraordinaire, historique», a-t-elle continué à l'occasion d'une réunion organisée au Parlement européen, sur la proposition faite en juillet par la Commission européenne.
La Commission européenne souhaite prélever un milliard de fonds non utilisés de la Pac pour aider les pays en développement à augmenter leur production agricole, notamment par le financement de semences et d'engrais.
«Nous avons besoin de vous, c'est la bonne idée au bon moment», a encore insisté Mme Sheeran, exhortant les Européens à écouter leur «coeur».
En ces temps de conjoncture morose dans l'UE, certains Etats membres, notamment l'Allemagne, sont en effet réticents à laisser partir ces surplus de la Pac, qui sans cela reviendraient aux budgets nationaux des 27.
«Certains Etats membres ont des réserves techniques, certains pensent que l'argent devrait leur être rendu et d'autres estiment encore qu'ils atteignent déjà presque l'objectif de 0,7%» du PIB consacré à l'aide au développement, a reconnu mercredi l'Irlandais Gay Mitchell, rapporteur sur le texte qui devait être voté en octobre au Parlement européen.
Et même certains eurodéputés, principalement ceux des commissions du budget et de l'agriculture, rechignent à voir à nouveau des fonds agricoles, même non utilisés, consacrés à d'autres politiques.
Les surplus de la Pac de 2007 avait en effet déjà permis de financer le système européen de navigation par satellite Galileo à hauteur de 1,6 milliard d'euros.
«Naturellement, la Pac est pour les agriculteurs européens et je comprends les discussions», a commenté le directeur général de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), Jacques Diouf.
Mais «votre action est audacieuse, votre action est éthique. Et je suis convaincu qu'au-delà des considérations administratives et budgétaires, l'UE sera là à temps pour aider les pays en développement», même s'il sera trop tard pour la saison de plantation du printemps (d'avril à juin), a-t-il ajouté.
Même si le Parlement européen, très porté sur les questions de développement, approuvait en octobre le déblocage des fonds, il faudrait en effet encore attendre le feu vert des ministres du Budget et une probable conciliation en novembre entre les deux institutions.
Au-delà des appels enflammés à la générosité de l'UE, les responsables des institutions internationales ont également souhaité mercredi donner des garanties aux Européens inquiets du fait que le milliard sera dépensé par leur intermédiaire.
Cet argent «fera la différence, il sera utilisé de façon efficace. (...) Nous faisons tout cela avec transparence, d'une manière qui peut très facilement être surveillée et justifiée», a ainsi assuré la directrice générale de la Banque mondiale, Ngozi Okonjo-Iweala.
«Vous avez besoin d'entendre que si vous engagez ces fonds, ils seront utilisés efficacement, de façon transparente et ciblés pour sortir de cette crise. Nous pouvons le faire», a renchéri Mme Sheeran.