«Pas plus que les Américains, nous n'avons pas à nous excuser de préférer l'Europe», a déclaré Michel Barnier, dimanche devant les jeunes agriculteurs européens (CEJA) réunis pour débattre de l'avenir de la Pac après 2013, en marge du Conseil informel des ministres européens de l'Agriculture. «Nous appuyons cette préférence sur la sécurité sanitaire pour la qualité et la sécurité des produits», a précisé le ministre de l'Agriculture.
Ralph Ichter, d'Euroconsultant à Washington, spécialiste de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), va plus loin. Selon lui, entre OMC et Farm Bill, les Américains choisiront le Farm Bill. Et faisant référence à la récente réforme de leur politique agricole, il a averti les jeunes agriculteurs: «Si la volatilité des prix persiste et que les prix baissent, les farmers américains sont protégés, ce qui n'est pas le cas des européens.»
Mariann Fischer Boel, commissaire européenne à l'Agriculture, ne partage pas cette vision. Elle s'est dite «très déçue» par l'échec des dernières négociations du cycle de Doha à Genève. «Le compromis sur la table était le meilleur que l'on puisse espérer pour l'Europe. Nous avons besoin d'être ouverts car nous avons besoin d'exporter. Le risque aujourd'hui est de perdre des parts de marché», a-t-elle expliqué.
Son discours sur la Pac n'a pas davantage suscité l'enthousiasme de l'assemblée. «Nous devons nous rappeler que la Pac ne peut devenir libérale tout en restant liée à des mécanismes d'intervention», a-t-elle souligné, après avoir rappelé le cadre budgétaire.
«Il va falloir expliquer au citoyen nos dépenses, sans compter que le budget européen est limité et que certains Etats membres plaident même en faveur de sa réduction.» En guise de dernier avertissement, Mariann Fischer Boel a souligné la voracité budgétaire des autres secteurs, et particulièrement la recherche et le développement, prêts à récupérer une partie du budget agricole.
Si les jeunes agriculteurs et le gouvernement français préfèrent écarter des discussions les questions budgétaires, Jean-Christophe Bureau, représentant du Think Tank ''Notre Europe'', estime qu'elles seront au centre de toutes les préoccupations.
Dans ces conditions, il conteste les arguments français. «Je ne pense pas qu'il faille se prévaloir de la crise alimentaire pour produire plus et octroyer plus d'aides. Ce raisonnement ne convainc pas. Déjà les Danois le contestent. L'autre stratégie, qui consiste à mettre des instruments pour limiter les fluctuations de prix, fait suspecter les Français de chercher à recycler le budget communautaire», a-t-il expliqué.
Pour Jean-Christophe Bureau, la Pac doit retrouver une légitimité par son second pilier (développement rural), «même si l'idée suscite peu d'enthousisame en France». Ainsi, Notre Europe préconise de garder une gestion des marchés (défendre l'intervention qui marche mieux que les assurances), de cibler la réglementation par zone géographique pour gagner en compétitivité (faire des zones d'intérêt écologique sans remettre en cause la productivité ailleurs), de rebâtir la protection aux frontières (particulièrement sur la viande bovine), de réorganiser les aides (fin des DPU, remplacement pour un système d'aides contractualisées et un ensemble d'aides aux pratiques agricoles respectueuses de l'environnement), enfin, de responsabiliser financièrement les Etats membres pour éviter les retours budgétaires.
Concrètement, Jean-Christophe Bureau propose d'inverser le cofinancement entre le premier le deuxième pilier. «C'est un moyen de diminuer les antagonismes budgétaires et de retrouver une légitimité car l'échéance de 2013 risque d'être douloureuse», a-t-il souligné.
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