Article mis à jour le 21 octobre à 18 h.
L'Union européenne et le Canada ont scellé levendredi 18 octobre 2013 un vaste accord de libre-échange qui doit dynamiser leurs échanges commerciaux, une aubaine pour les deux zones en quête de relais de croissance mais un motif d'inquiétudes pour les filières agricoles.
Réunis à Bruxelles, le Premier ministre canadien Stephen Harper et le président de la Commission européenne José Manuel Barroso ont annoncé, après quatre ans de négociations, avoir trouvé un accord de principe pour ouvrir leur marché respectif.
C'est « une nouvelle page dans les relations entre l'UE et le Canada » qui s'ouvre, a affirmé M. Barroso tandis que M. Harper a parlé d'un « accord historique » pour son pays, qui va accéder à un marché de 500 millions de consommateurs. En échange, Ottawa doit éliminer ses barrières tarifaires sur 98 % de ses importations en provenance de l'UE.
Cet accord « est ce qui se fait de mieux », affirme-t-on à Bruxelles, même si des « aspects techniques et juridiques » restent à finaliser. Il faudra ensuite que les Etats membres et le Parlement européen donnent leur feu vert.
Une fois entré en vigueur, pas avant 2015, l'accord dopera de 23 % les échanges commerciaux entre l'UE et le Canada. Cela devrait se traduire par 12 milliards d'euros par an supplémentaires de produit intérieur brut pour l'UE et 8 milliards d'euros pour le Canada.
En outre, il « fournira de nouvelles opportunités pour les entreprises européennes et canadiennes », estime M. Barroso, qui y voit aussi un moyen de renforcer la « présence » européenne « sur le marché nord-américain ».
Avant d'arriver à cet accord, dont la conclusion a été maintes fois reportée, Européens et Canadiens ont dû surmonter plusieurs contentieux sur les médicaments génériques, les services financiers, ainsi que les appels d'offres des gouvernements provinciaux. Le dernier en date portait sur la question des produits laitiers et l'ouverture du marché européen au boeuf canadien.
Fromage européen contre bœuf canadien
Ottawa a finalement accepté de doubler le quota de fromage européen admis sans droits tarifaires, en échange d'un plus grand accès au marché européen pour les producteurs de bœuf canadiens. Cette concession a permis de débloquer les négociations mais ne fait pas que des heureux.
L'association des producteurs laitiers du Canada a dit craindre que ses produits soient remplacés par des fromages subventionnés de l'UE, avec à la clé des fermetures d'entreprises.
L'accord va engendrer des « pertes minimes et temporaires », a reconnu M. Harper, promettant d'« offrir une compensation qui tiendra entièrement compte des effets indésirables ».
De l'autre côté de l'Atlantique, les craintes sont également vives. La filière bovine redoute l'arrivée massive de viandes produites selon des normes sanitaires et environnementales bien moins contraignantes. « Nous sommes extrêmement fâchés par cet accord dans une période où l'Europe pleure (la perte) des emplois tous les matins » en particulier dans des filières d'élevage, a affirmé la fédération nationale bovine (FNB).
Cet accord est d'autant plus préoccupant, aux yeux de la filière, que l'Europe a entamé au printemps des négociations en vue d'un accord similaire avec les Etats-Unis, qui donnerait naissance à la plus grande zone de libre-échange au monde.
Pour la Coordination rurale, la France est « le pays européen qui va certainement payer le plus lourd tribut de cet accord pour lequel on se demande si ses responsables politiques ont même donné un avis. Après les effets d'annonce de la réforme de la Pac affirmant une volonté de sauver l'élevage et les éleveurs français, voici donc la réalité : ils sont encore une fois sacrifiés au nom du dogme du libre-échange ! »
Le Copa-Cogeca (syndicat et coopératives de l'UE) s'est félicité de ce que « les canadiens acceptent de respecter les normes de qualité européennes ». Il s'inquiète toutefois « du fait que le Canada obtienne, dans le cadre de cet accord, un accès accru au marché européen pour d'importants volumes de viande bovine et porcine ».
Des frictions pourraient notamment surgir dans ce dossier sur la viande et les organismes génétiquement modifiés cultivés à grande échelle aux Etats-Unis et strictement régulés dans l'UE.
Dans ce contexte, la France a demandé à la Commission la confirmation que cet accord, notamment dans son volet agricole, ne servira pas de précédent pour la négociation qui s'engage avec les Etats-Unis, par la voix de la ministre du Commerce, Nicole Bricq, qui demande également des « éléments sur les conséquences pour l'élevage européen ».
Mais fier de son accord, M. Barroso a au contraire plaidé pour que l'accord avec Ottawa serve de « modèle pour d'autres négociations », Etats-Unis en tête.
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