Si l'été de 2003 a été exceptionnel, cette situation de sécheresse poussée devrait être courante en 2050, a indiqué Bernard Seguin, ingénieur agronome à l'Inra d'Avignon qui vient de publier un livre, « Coup de chaud sur l'agriculture ». Cela dit, tempère-t-il, on ne sait pas vraiment dans qu'elle mesure les accidents climatiques comme les sécheresses ou les tempêtes se manifesteront dans nos contrées.
Selon Bernard Seguin, responsable de la mission sur le changement climatique et l'effet de serre à l'Inra et membre du Giec, le groupe d'experts sur l'évolution du climat, des zones comme la Californie, l'Australie, l'Afrique seront parmi les plus concernées. Dans d'autres, la montée des eaux pourra provoquer la disparition de terres arrables.
En Europe, le réchauffement est significatif depuis 1985, souligne Bernard Seguin. L'expert rappelle que selon les simulations des spécialistes du climat, l'atmosphère devrait se réchauffer de 2°C d'ici à 2050. « Plus tard, ça va dépendre des émissions de gaz à effet de serre », mais sur la pente actuelle, « le réchauffement à l'échelle de la planète devrait être de 4 à 6°C au-delà de 2050 ».
« Dans la plupart des pays tempérés, rassure Bernard Seguin, un réchauffement de 2 ou 3°C n'aurait pas de conséquence (négative) importante sur les cultures. » Bien au contraire, une augmentation du taux de CO2 dans l'atmosphère et la hausse de 1 ou 2°C de la température auront plutôt un effet dopant pour la photosynthèse sous nos latitudes, explique-t-il. Selon lui, si les maladies ne devraient pas poser de problème en conséquence du réchauffement attendu, en revanche les ravageurs pourraient être plus symptomatiques.
« Pour l'instant, il peut y avoir du positif et il peut y avoir du négatif », relève l'expert. La betterave devrait tirer profit de ce réchauffement, bénéficiant avant tout d'une innovation importante sur ses variétés, selon lui. Les rendements en blé également en tireront profit, même si le risque d'échaudage sera plus grand, et que le remplissage des silos à des températures dépassant régulièrement les 35°C sera délicat.
Les plantes mais aussi les agriculteurs vont devoir s'adapter à de nouvelles situations agronomiques, avec des cycles végétatifs raccourcis. Modification des calendriers culturaux avec, par l'exemple, l'avancée des dates de semis en maïs, adaptation des variétés et innovations en continu. Pour la vigne, il faudra trouver de nouveaux cépages plus adaptés à de nouvelles conditions agronomiques, ce qui risque fortement de remettre en cause les liens au terroir, très forts pour les vins avec indications géographiques.
La vigne, culture pérenne qui fait l'objet d'un chapitre entier du livre, risque d'être plus concernée par le réchauffement climatique. « Dans la vigne, on change un degré et on change beaucoup de choses », beaucoup plus que pour les arbres fruitiers qui devraient surtout avoir à faire face à une avancée de leurs dates de floraison en se retrouvant beaucoup plus exposés au gel printanier, a souligné Bernard Seguin.
Depuis deux ou trois ans, tous les vignobles ont constaté une avancée de la date de la vendange, et ça peut aller jusqu'à un mois dans les vignobles du Sud-Est, rapporte l'agronome. Le réchauffement aura pour conséquence une augmentation de 2 à 3° d'alcool dans les vins produits à partir de raisins récoltés beaucoup plus chauds. Hier, on chaptalisait dans certaines régions pour avoir le bon degré d'alcool dans les vins; demain, il faudra désalcooliser dans d'autres, en particulier sur le pourtour méditerranéen, pour garder des vins au goût des consommateurs, a expliqué en substance B. Seguin.
Sans parler de la baisse d'acidité du raisin qui sera problématique pour la vinification, ajoute-t-il. L'agronome a évoqué une nécessaire augmentation de rendement dans certaines situations pour contrer la montée en degré alcoolique.
Mais comme sur d'autres cultures, l'alimentation hydrique, et la nécessité d'irriguer, sera une problématique à elle seule.