La recommandation de hausse du prix du lait au deuxième trimestre (par rapport au même trimestre de 2007), faite par l'interprofession laitière (Cniel), se monte à 63,8 €/1.000 l. Elle aurait dû s'élever à 90,4 €/1.000 l, selon les modalités de calcul de l'accord interprofessionnel, mais le Cniel a décidé d'en reporter environ un tiers sur le quatrième trimestre, soit 26,6 €/1.000 l.
«Nous avons décidé de reporter une partie de la hausse au quatrième trimestre pour calmer un peu la surchauffe de la production, explique Frédéric Chausson, directeur de la FNPL. Il s'agit d'une simple réécriture de la grille, qui prépare l'atterrissage des prix en fin d'année.»
Des arguments qui ne devraient pas satisfaire la Confédération paysanne de Bretagne. Cette dernière accuse la FNPL, qui siège seule dans le collège producteurs du Cniel, de «collusion avec les transformateurs».
«Les indicateurs pris en compte pour calculer le prix du lait sont lissés sur les deux dernières années, explique-t-elle dans un communiqué, ce qui fait qu’aujourd’hui, les transformateurs paient le lait au prix de la situation de marché de l’année dernière, alors que les cotations du beurre et des poudres sont en baisse. Mais cet effet pervers dénoncé aujourd’hui par les transformateurs a joué contre les producteurs l’an dernier. Ceux-ci n’ont bénéficié d’une vraie hausse des prix qu’en fin d’année 2007, alors que les cours flambaient depuis plus de six mois. Pourquoi la FNPL accepte–t-elle un décalage de l’augmentation du prix cette année, alors qu’elle n’a pas demandé une anticipation de celle-ci l’an dernier?»
Pour Frédéric Chausson, «il vaut mieux gérer le système que le laisser aller, alors qu'on assiste aujourd'hui à une production laitière complètement désordonnée».
«On reporte une partie de la hausse destinée aux producteurs à une époque de l’année où ils produiront moins», accuse par ailleurs la Confédération paysanne de Bretagne, soulignant que «les producteurs ne sont pas les banquiers des transformateurs». «La fixation du prix du lait en lien avec le marché est une chose, la saisonnalité des prix pour inciter à une production régulière en est une autre. A vouloir mélanger les deux, on vide l’accord interprofessionnel de son sens.»
Ce à quoi la FNPL rétorque qu'on peut résoudre ce problème de volumes par des pondérations.
Ce débat souligne le décalage qui existe entre le prix payé au producteur et la situation des marchés. Les laiteries se plaignent de l’afflux de lait. Mais cette réaction des producteurs est «logique lorsque le prix atteint un niveau rémunérateur et lorsque la possibilité a été donnée de produire 15% de plus que son quota en fin de campagne, souligne la Confédération.
Le syndicat a relevé un certain nombre de courriers de laiteries, qui demandent à leurs producteurs de «lever le pied» et dénoncent le décalage entre le prix payé et la réalité du marché induit par ce monde de fixation du prix du lait.
Par ailleurs, la Confédération paysanne de Bretagne critique le fait que «les transformateurs tentent de faire paniquer les consommateurs». En effet, dès l'annonce de la hausse du deuxème trimestre, les industiels laitiers, via l'Atla (Association de la transformation laitière) ont prévenu dans un communiqué que les prix des produits laitiers allaient grimper de 5 à 10% en 2008. «L’effet d’annonce peut-être désastreux à la fois pour les producteurs et les consommateurs», proteste la Confédération.
«Ou les transformateurs ne comprennent pas l’accord interprofessionnel du Cniel sur le prix du lait, ou ils tentent de rendre les producteurs responsables d’une hausse de prix à la consommation dont ils seraient les seuls responsables», ironise le syndicat, qui rectifie les chiffres.
Les hausses annoncées du prix du lait le sont toujours par rapport à l’année précédente, donc elles ne sont pas cumulables, rappelle-t-il. «Ce n’est pas parce que les producteurs ont eu un prix en hausse de 20% au dernier trimestre de 2007, de 37% au premier trimestre de 2008 et de 26% maintenant que le prix qui leur est payé est de 107% supérieurs!»
«Très concrètement, les producteurs étaient payés 367 €/1.000 l en mars 2008 et seront payés 307 €/1.000 l au second trimestre de 2008, donc ils seront moins payés d’avril à juin.» Pour rappel, le prix en janvier 1993 était de 304 €/1.000 l. «Les industriels laitiers tentent donc de faire passer une augmentation de leurs marges en accusant injustement les producteurs.»