Le 19 juin, le comité européen de réglementation du vin a adopté le projet de règlement de la Commission concernant la réforme des pratiques oenologiques autorisées dans l'UE.
Comme annoncé le 8 juin par Mariann Fischer Boel, la commissaire chargée de l'Agriculture, l'interdiction de fabrication du vin rosé sans indication géographique par coupage de vins blancs et rouges a été maintenue, à la grande satisfaction des producteurs qui ont parfaitement su orchestrer et (sur)médiatiser la contestation qui pourtant semblait peine perdue. D'autres pratiques comme la désalcoolisation partielle de vin, l'utilisation des copeaux de bois ou de SO2 en vinification se sont faites plus discrètes.
Haro sur les rosés sans IG obtenus par coupage
La réglementation européenne interdit le coupage des vins de table rouges et blancs, mais l'autorise pour les vins d'appellation. Avant de revenir sur sa décision, la Commission européenne a souhaité permettre cette pratique pour toutes les catégories de vin, avec ou sans indication géographique.
Le négoce européen demandait la possibilité de couper les rouges et les blancs sans indication géographique pour faire des rosés compétitifs. «Le coupage permettra aux pays de l'Union européenne de concurrencer les pays tiers», a approuvé Mariann Fischer Boel, avant de changer d'avis.
Cette pratique est usuelle dans certains pays comme l'Australie, les Etats-Unis ou l'Afrique du Sud. L'Europe jugeait donc nécessaire de fournir cette possibilité à ses producteurs.
Couper les blancs avec un soupçon de rouge pour en faire des rosés, les Provençaux y sont totalement opposés. Eux qui font du «vrai» rosé ont fait entendre leur mécontentement par tous les moyens, créant un véritable feu d'artifice d'actions.
Ils ont manifesté plusieurs fois à Strasbourg et à Bruxelles. Ils ont mis en place une pétition sur internet, sur le site www.coupernestpasrose.com, qui a recueilli près de 40.000 signatures. A la demande de «Midi Libre» et de «Sud Ouest», l'Ifop a réalisé un sondage sur un échantillon de 1.010 personnes. Résultat: 87% des Français se déclarent opposés aux rosés de coupage, jusqu'à le boycotter à l'achat, même s'ils sont moins chers que les rosés traditionnels.
Les partisans du rosé traditionnel ont rallié leurs confrères européens à leur combat en remuant ciel et terre. Michel Barnier, alors ministre de l'Agriculture, qui leur avait assuré son soutien dès le mois de mars, se chargeait de ses homologues politiques étrangers. Ainsi les Français ont-ils convaincu les Italiens et les producteurs allemands et espagnols à leur cause. Le Copa-Cogeca, représentant la coopération européenne, a lui aussi rejoint le front du refus.
Une chute soudaine qui met fin aux négociations
Parmi les rares Français à avoir défendu le coupage, Louis-Régis Affre, délégué général de la Fédération des exportateurs des vins, rappelait mi-mai que «l'interdiction de coupage ne concerne que les vins de table. Elle a été décidée parce que les aides à la distillation étaient plus élevées pour les rouges que pour les blancs. Il fallait empêcher les fraudes. Cette politique de subvention a disparu. L'interdiction de coupage n'a donc plus lieu d'être.»
Longtemps, le négoce a cherché à trouver un compromis avec la production. L'Agev a ainsi proposé «de maintenir l'interdiction sur les vins sans IG et d'autoriser, sur dérogation, l'assemblage de vin blanc à du vin rouge ou rosé dans la limite de 15%». L'AGPV (assemblée des producteurs) a refusé cette proposition, «car elle ne s'opposait pas au principe de coupage», explique Alexandre Imbert, de la Cnaoc. Les organisations professionnelles peinaient à s'entendre quand la décision soudaine de la Commission a mis fin à ces tribulations.
Le 8 juin, au lendemain des élections européennes, Bruxelles a annoncé «qu'il n'y aurait pas de changement dans les règles de production du rosé». Pour expliquer ce revirement, Mariann Fischer Boel a déclarée: «Il est important d'écouter nos producteurs quand ils s'inquiètent de changements dans les réglementations. Il était clair, ces dernières semaines, qu'une majorité de notre secteur viticole pensait que mettre un terme à l'interdiction du coupage allait saper l'image du rosé traditionnel.»
La désalcoolisation, pour relancer la consommation?
La Commission a autorisé «l'élimination d'une partie de l'alcool du vin à l'aide de techniques séparatives». Il sera possible de désalcooliser un vin jusqu'au degré minimal autorisé dans la catégorie à laquelle il appartient. Cette pratique sera incompatible avec l'enrichissement. Les Etats membres pourront imposer une «déclaration aux autorités compétentes».
La désalcoolisation partielle est autorisée par l'OIV depuis 2004. Elle se pratique en Californie, en réponse à l'augmentation de la teneur en alcool des vins. En Europe, les degrés augmentent aussi. En France, certains vignerons du Sud sont impatients de pouvoir désalcooliser. Mais pour d'autres, cette mesure va à l'encontre de la notion de vin.
Les organismes de recherche emmenés par l'Inra se sont penchés sur les moyens de revenir à des titres alcoométriques volumiques moins élevés. Ils ont montré que l'on peut retirer jusqu'à 3° à des vins titrant entre 13 et 14° sans que ce soit perceptible. Ils ont demandé l'autorisation de la désalcoolisation.
Cette pratique s'inscrit également dans un contexte où les politiques de santé publique visent à réduire la consommation d'alcool.
Les copeaux sur moût, une décision logique
La décision d'autoriser l'usage des copeaux de chêne pour «l'élaboration et l'élevage des vins, y compris pour la fermentation des raisins frais et des moûts de raisins», à partir du 1er août 2009 est accueillie avec satisfaction, ou indifférence. D'ici là, il n'est possible de les utiliser que sur vins finis.
En 2006, l'Union européenne autorisait l'ajout de copeaux ou de morceaux de bois aux vins finis après une demande officielle de l'Italie. Mais dans sa demande, ce pays avait oublié le traitement des moûts.
Cet oubli est réparé. Les bois pour l'œnologie ont longtemps été considérés uniquement comme des alternatifs à la barrique pour boiser les vins de manière peu coûteuse. Ils sont aujourd'hui reconnus comme des outils œnologiques à part entière.
SO2 à la baisse
Afin de s'aligner sur les teneurs maximales de sulfites (SO2) admises par l'OIV, la Commission européenne a souhaité abaisser la teneur maximale autorisée en SO2 total.
Dans les vins rouges, elle passera de 160 mg/l à 150 mg/l pour les secs et 210 mg/l à 200 mg/l sinon.
Dans les vins blancs secs, elle sera de 200 mg/l au lieu de 210 mg/l. Pour les vins doux et liquoreux, les teneurs maximales envisagées sont de 250 mg/l ou 300 mg/l selon l'AOC.