Les polluants atmosphériques émis par les moteurs diesel peuvent perturber la capacité des abeilles à butiner en transformant les molécules parfumées dégagées par les fleurs, met en garde une étude publiée jeudi 3 octobre.
« Les résultats indiquent que les oxydes d'azote, en particulier le dioxyde d'azote, seraient capables de perturber le processus olfactif grâce auquel les abeilles localisent les fleurs », résume le Pr Guy Poppy, biologiste à l'Université britannique de Southampton et dont le nom prédestiné signifie « coquelicot » en anglais.
Pour leur étude, les chercheurs ont utilisé un mélange de synthèse reproduisant les principales caractéristiques du parfum de la fleur de colza : huit éléments chimiques qui provoquent la réaction la plus forte chez les abeilles.
Ils ont ensuite soumis le mélange aux gaz d'échappement produits par un moteur diesel dans un bocal scellé. Au bout d'une minute seulement, deux éléments, l'alpha-farnésène (72,5 % du mélange d'origine) et l'alpha-terpinène (0,8 %) étaient devenus totalement indétectables et le sont restés durant les deux heures de l'expérience. Et la signature chimique de deux des six éléments restants était également considérablement réduite.
Placés dans le même bocal rempli d'air ambiant, les huit éléments du parfum de synthèse restaient parfaitement décelables.
Les scientifiques ont répété l'expérience avec seulement de l'oxyde d'azote ou du dioxyde d'azote, deux gaz très présents dans les émissions de diesel, avec les mêmes résultats.
Lorsqu'ils ont présenté le mélange de colza synthétique dégradé par le diesel ou les oxydes d'azote à des abeilles entraînées spécialement à identifier son odeur, elles ne sont pas parvenues à le reconnaître.
« Le diesel ne se contente pas d'ajouter un élément au mélange, il modifie radicalement la chimie de tous les éléments volatils de l'environnement dans lequel l'abeille évolue », affirme Tracey Newman, qui a codirigé l'étude.
Ce phénomène « pourrait être également néfaste pour de nombreuses autres espèces d'insectes », mettent en garde les chercheurs.
Dans le cas des insectes pollinisateurs, dont les abeilles, « ces effets auraient des impacts économiques et écologiques majeurs, en particulier s'ils se combinent avec d'autres facteurs de stress », insiste l'étude, publiée dans la revue britannique Nature Scientific Reports.
« La pollinisation est vraiment cruciale pour l'humanité. Environ 70 % des cultures mondiales destinées à l'alimentation en ont besoin, ce qui équivaut à peu près à 35 % de la production alimentaire mondiale », relève Mme Newman.
Au niveau global, la valeur économique de la pollinisation, tous animaux confondus, est estimée à 153 milliards d'euros par an.