L'Etat a été condamné, jeudi par la cour d'appel de Nancy, à indemniser un agriculteur qui avait développé un cancer provoqué par des substances toxiques contenues dans des pesticides. « Une première judiciaire en France », a estimé l'avocat du plaignant.
Les magistrats de la chambre civile de la cour d'appel ont confirmé une décision d'avril 2012 de la Commission d'indemnisation des victimes d'infraction (CIVI) d'Epinal, qui avait condamné l'Etat à réparer le préjudice subi.
Dominique Marchal, céréalier dans la Meurthe-et-Moselle, avait développé en 2002 un syndrome myéloprolifératif, une pathologie du sang reconnue comme maladie professionnelle en 2006 par le tribunal des affaires de Sécurité sociale d'Epinal.
« Nous sommes satisfaits, c'est la première fois en France que l'Etat indemnisera ce type de préjudice », a précisé son avocat, Me François Lafforgue. « Les juridictions ont reconnu que des fautes avaient été commises par les fabricants de produits phytosanitaires », a-t-il poursuivi, en indiquant qu'une trentaine de dossiers similaires étaient en cours. « Cela concerne au bas mot plusieurs centaines d'agriculteurs », a-t-il ajouté.
Le montant des indemnisations sera fixé après une expertise, ordonnée par la cour d'appel. L'Etat, via le fonds d'indemnisation, pourra ensuite se retourner contre les fabricants des produits toxiques dans le cadre d'une action récursoire. Aucune action pénale n'avait en revanche été engagée contre les fabricants des produits phytosanitaires visés.
Les motivations des magistrats de la cour d'appel n'étaient pas encore connues jeudi soir.
En première instance, la CIVI avait estimé que, « dès 1982, les fabricants de produits phytopharmacologiques ne pouvaient ignorer que leurs produits contenant du benzène exposaient leurs utilisateurs au risque grave de contracter ce type de maladie ». Une vingtaine de produits, principalement des herbicides et d'autres pesticides commercialisés par sept fabricants, contenaient notamment du benzène, reconnu cancérogène.
L'absence de mention sur les emballages constitue un manquement à une obligation de sécurité ainsi qu'une faute de prudence, constataient par ailleurs les juges d'Epinal, qui établissaient un lien de causalité entre les produits et la pathologie développée.