L'exposition humaine aux perturbateurs endocriniens coûterait au moins 157 milliards d'euros par an dans l'UE, dont 120 milliards à cause des pesticides, selon une étude publiée jeudi 5 mars dans la revue scientifique Journal of clinical endocrinology and metabolism et présentée à Bruxelles.
Les 18 auteurs de ces recherches ont établi cette addition, qui représente plus de 1,2 % du PIB de l'Union européenne, en retenant pour hypothèse une relation de causalité entre l'exposition aux perturbateurs endocriniens et les retards de développement cérébral, ainsi qu'une série de pathologies comme l'autisme, l'obésité, le diabète et la stérilité masculine.
« Ces estimations ne prennent en compte que les perturbateurs pour lesquels la relation de causalité est la plus hautement probable », notamment les organophosphates (OP) utilisés pour les pesticides, et les polybromodiphényléthers (PBDE) servant à ignifuger plastiques et textiles, note l'article. Certaines de ces substances sont déjà interdites dans des pays de l'UE, notamment en Scandinavie, mais restent utilisées dans d'autres.
Selon l'étude, menée sur des données de 2010, le plus gros des coûts, estimés en dépenses de santé et pertes de productivité, découle de l'impact neurologique des perturbateurs endocriniens, chiffré à 132 milliards d'euros. Les pesticides sont les principaux responsables de l'addition globale, avec une part de 120 milliards.
Il s'agit « pour l'essentiel d'une interprétation et une spéculation informée, et personne ne doit perdre cela de vue », a relativisé Richard Harpe, spécialiste en reproduction masculine à l'Université d'Edimbourg, dans une première réaction rendue publique en Grande-Bretagne.
« Nous travaillons sur des probabilités et savons qu'il y a des incertitudes, mais cette étude est un début », a répondu Martine Bellanger, professeur à l'École des hautes études en santé publique en France.
« L'engagement fort de la France »
Les auteurs précisent que leur objectif est « de livrer une estimation du bénéfice sanitaire et économique d'une régulation des perturbateurs endocriniens en Europe », alors que la Commission européenne a entrepris un passage en revue de sa législation en la matière. Mais ce nouveau cadre réglementaire, qui pourrait conduire à l'interdiction d'une large gamme de pesticides, isolants alimentaires ou composants de cosmétiques, a été renvoyé à 2016.
Il doit s'appuyer sur des critères scientifiques déterminant les perturbateurs endocriniens qui devaient être définis par la Commission européennes en décembre 2013. La définition pourrait être publiée en 2016.
Justifié à Bruxelles par la complexité scientifique et économique du dossier, ce délai alimente des critiques croissantes contre l'exécutif européen, accusé de vouloir ménager l'industrie chimique. La Commission est même visée devant la justice européenne par un recours en carence intenté cet été par la Suède, et soutenu par l'ensemble des États membres.
Ségolène Royal, ministre de l'Ecologie, a réagi à la publication de cette étude en rappelant « l'engagement fort pris par la France dans ce domaine », avec notamment la mise en place d'une stratégie nationale sur ce sujet en avril 2014 confiée à l'Anses, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail. Concrètement, l'Agence a publié en mai dernier plusieurs rapports d'expertise et un avis sur cinq substances. En 2015, un autre rapport sera publié sur six substances.