Bruno Le Maire « se réjouit du compromis européen obtenu sur le paquet lait ». La FNPL aussi. La Confédération paysanne et la Coordination rurale estiment, à l'inverse, que l'accord fait la part trop belle aux transformateurs. Mêmes divergences d'appréciation au niveau européen.
Bruno Le Maire, ministre de l'Agriculture, se réjouit, dans un communiqué du 7 décembre 2011, du compromis obtenu la veille sur le paquet lait. « Grâce à la détermination de la France, les dispositions du paquet lait :
- inscrivent dans le droit communautaire la possibilité pour les Etats membres de rendre obligatoires des contrats et de fixer une durée minimale,
- reconnaissent le rôle important des interprofessions,
- permettent aux opérateurs (interprofessions, organisations de producteurs...) de réguler les volumes de fromages sous appellation d'origine protégée (AOP) ou identification géographique protégée (IGP),
- renforcent le pouvoir de négociation collective des producteurs. »
La Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL, association spécialisée de la FNSEA) « salue » l'accord intervenu sur le paquet lait car il va dans le sens du « nécessaire rééquilibrage des relations au sein de la chaîne alimentaire. Fait majeur, la capacité pour les éleveurs à s'organiser va très au-delà de ce que permet l'actuel droit de la concurrence. La possibilité de concentrer l'offre est un progrès important qui contribue à renforcer le pouvoir des producteurs de lait dans les négociations contractuelles sur les volumes et les prix, la contractualisation étant un outil nécessaire pour une meilleure visibilité sur les conditions qui lient les opérateurs économiques ».
« La reconnaissance des interprofessions, de même que la capacité pour les AOP et IGP fromagères de gérer les volumes après 2015, sont également des dossiers que la France a défendus, et constituent des avancées significatives. Mais le paquet lait ne résoudra pas tout et la FNPL maintient que des outils de régulation sont nécessaires pour assurer un véritable avenir aux éleveurs et à la filière laitière européenne », conclut la FNPL dans un communiqué du 7 décembre 2011.
La Confédération paysanne voit, dans l'adoption du paquet lait, « le pire des scénarios pour les producteurs de lait français. [...] L'Europe a encore prouvé qu'elle ne se préoccupe que de la santé de la production et son aptitude à exporter ; bien loin de s'inquiéter de celle des producteurs, de leur revenu et de leurs conditions de vie », estime le syndicat dans un communiqué du 8 décembre 2011.
« L'Europe a échoué dans l'exercice d'harmonisation puisque la contractualisation, rendue facultative par la Commission, ne sera effective qu'en Espagne et en France. Les contrats seront verticaux : producteur-entreprise, abandonnant ainsi la gestion des volumes aux seuls intérêts des industriels de la filière. De plus, ils seront conclus pour six mois seulement. [...] La maîtrise des volumes est donc définitivement enterrée et les conséquences sur les prix ne sont pas difficiles à imaginer... »
Pour l'Organisation des producteurs de lait (OPL, Coordination rurale) et l'European Milk Board (EMB), le paquet lait constitue « une avancée en trompe l'œil ! En empêchant les producteurs de lait du secteur coopératif de se regrouper massivement en organisations de producteurs indépendantes de toutes laiteries (transversales), les institutions européennes ont, une nouvelle fois, choisi de diviser les producteurs de lait et d'accentuer le pouvoir des transformateurs ».
« L'UE s'obstine ainsi à poursuivre sa politique sur la voie de la dérégulation, d'accentuer davantage la concurrence déloyale entre pays européens et d'officialiser la discrimination économique des producteurs selon leur nationalité et la spécificité de leur acheteur de lait. De ce mauvais choix, seules des conséquences négatives vont découler : appauvrissement de l'agriculture et disparition des emplois au seul profit de l'industrie agroalimentaire », affirment l'OPL et l'EMB dans un communiqué commun du 8 décembre 2011.
Pour la Fédération nationale des coopératives laitières (FNCL), le Paquet lait constitue « un accord politique satisfaisant mais seulement une étape vers la régulation des marchés laitiers ». Dans un communiqué diffusé le 13 décembre, la FNCL « note avec satisfaction la confirmation par le paquet lait de deux positions qu'elle soutient depuis longtemps [..] : les coopératives laitières sont des formes très abouties d'organisations de producteurs ; il ne peut donc pas y avoir d'intermédiaire entre une coopérative et ses associés coopérateurs ».
« Pas d'agence européenne de régulation. Pas de maîtrise raisonnée des volumes. Pas de prix. Pas d'opportunité de défense pour les producteurs de coopératives. Pas d'harmonisation européenne, la contractualisation étant facultative pour chaque pays. » L'Association des producteurs de lait indépendants (Apli) évoque un paquet lait « dégoulinant d'incompétence, éclaboussant de mépris, puant l'immobilisme et la mort », qui « a au moins le mérite de nous conforter dans nos positions : nous ne pouvons compter que sur nous mêmes. Plus que jamais, l'Office du lait national et France MilkBoard, avec pour seul objectif de regrouper les producteurs afin que les forces s'équilibrent, apparaissent comme la seule alternative », écrit Richard Blanc, président de l'Apli Nationale, dans un communiqué.
Les producteurs et coopératives agricoles de l'UE (Copa-Cogeca) saluent l'accord trouvé mardi sur le paquet lait. Selon eux, celui-ci va permettre de « renforcer les relations contractuelles entre les agriculteurs et les transformateurs » et de renforcer la force de négociation des éleveurs au sein de la chaîne alimentaire en vue d'obtenir de meilleurs prix pour leur lait.
Henri Brichart, président de la section laitière du Copa-Cogeca (et de la FNPL en France), estime que cet accord offre davantage de visibilité aux éleveurs quant à la quantité et au prix du lait qu'ils livrent à l'industrie. Mais il souligne que ce paquet lait ne résout pas tous les problèmes. « Les outils de gestion des marchés, tels que l'intervention et le stockage privé, doivent demeurer effectifs pour surmonter les crises. Ces mesures doivent être plus flexibles et adaptées aux besoins des éleveurs de manière à renforcer leur efficacité et à les protéger contre l'extrême volatilité des marchés et pour garantir la compétitivité et la durabilité de la production laitière en Europe. »
Pour la coordination européenne Via Campesina (dont font partie la Confédération paysanne et le Modef), « la réforme adoptée ne règle pas les problèmes à l'origine de la crise de 2009. L'UE va droit dans le mur. L'accord [sur le paquet lait] renonce à doter l'UE d'instruments permettant aux producteurs/productrices de lait européens d'avoir des prix stables, qui rémunèrent les coûts de production, travail inclus ».
Dans un communiqué du 8 septembre 2011, Via Campesina estime encore que « les institutions européennes ont bien reconnu le déséquilibre dans la chaîne de valeur ajoutée et l'inégalité du pouvoir de négociation entre les producteurs/productrices et l'industrie. Pourtant, elles n'ont pas décidé de gouvernance européenne qui permette de maintenir des exploitations laitières sur tout le territoire européen, ainsi que l'emploi et le tissu économique et social qu'elles produisent autour d'elles. Une fois de plus, l'UE laisse à l'industrie le pouvoir d'imposer ses conditions ».
Lire également :
- Lait : accord à Bruxelles sur le « minipaquet lait » (06 décembre 2011)