L'Union européenne «a épuisé ses marges de manoeuvre sur le plan agricole» dans les négociations à l'OMC et ne peut «pas aller plus loin» dans ce domaine, a insisté Anne-Marie Idrac, à l'issue d'une réunion à Bruxelles des ministres du Commerce des Vingt-Sept. La présidence française de l'UE avait convoqué une réunion du Conseil (des ministres) des Affaires générales et des Relations extérieures pour définir la position de l'Europe avant la réunion ministérielle des principaux partenaires de l'OMC qui débute lundi à Genève.
Les Européens veulent obtenir la semaine prochaine, «le rééquilibrage des concessions déjà faites» par l'UE à l'OMC, a indiqué la secrétaire d'Etat française au Commerce. Il devra s'agir d'un «rééquilibrage effectif» et «pas cosmétique», a insisté Anne-Marie Idrac.
L'UE «a épuisé ses marges de manoeuvre sur le plan agricole». En revanche, elle doit obtenir «un certain nombre de contreparties tangibles», notamment dans l'ouverture des marchés industriels des pays émergents.
Mme Idrac a affirmé résumer ainsi le «sentiment général» exprimé lors de la réunion vendredi à Bruxelles.
Pressée par les journalistes, elle a démenti tenir ainsi un discours discordant par rapport aux propos la veille des commissaires européens au Commerce, Peter Mandelson, et à l'Agriculture, Mariann Fischer-Boel, auxquels le président Nicolas Sarkozy a reproché ces dernières semaines d'avoir déjà fait trop de concessions en matière agricole.
«Vous n'arriverez pas à mettre la présidence (française) en situation de ne pas travailler à la cohésion et à l'unité», a-t-elle répliqué à un journaliste qui lui demandait, «qui ment, qui dit la vérité».
«La Commission connaît parfaitement ses limites,», a-t-elle assuré, alors qu'aucun membre de l'exécutif européen ne participait à cette conférence de presse. «Peter Mandelson est en mesure de poursuivre la négociation dans le sens d'un rééquilibrage des concessions», a-t-elle ajouté.
Contrairement à la France et à de nombreux Etats membres, la Commission pousse en faveur d'un accord. Ses responsables font valoir en privé que l'Europe a tout à gagner d'un compromis aujourd'hui car elle a déjà fait les efforts demandés sur la baisse des soutiens à l'agriculture, avec sa réforme de la Pac de 2003.
Mme Idrac a d'ailleurs laissé entendre que les Etats membres surveilleraient de près la Commission la semaine prochaine.
Elle a insisté sur la nécessité pour la Commission, qui négocie au nom de l'UE lors de ces négociations internationales, de respecter le «principe de transparence» en utilisant «toutes les possibilités d'informations en continu, les plus précises possibles, sur le contenu des textes et les évolutions des négociations».
«Je défends une ligne très claire» a, quant à lui, indiqué le ministre irlandais des Affaires européennes, Dick Roche, qui a participé à la réunion à Bruxelles. «Nous avons eu un débat national important sur cette question. Et l'agriculture est très importante en Irlande», a-t-il ajouté.
Le commissaire européen au Commerce Peter Mandelson, «est allé trop loin sur l'agriculture», a renchéri le ministre irlandais du Commmerce John McGuinness..
Parmi les raisons qui ont conduit les Irlandais à voter «non» au référendum sur le traité de Lisbonne, figure la crainte des agriculteurs irlandais qu'un accord à l'OMC ne menace l'élevage bovin et la production laitière du pays.
«Nous voulons vraiment un accord», a-t-il ajouté. «Mais cet accord doit être équilibré et doit prendre en compte les positions des différents pays», a-t-il dit, estimant par ailleurs que «le contenu n'y est pas» dans l'industrie pour «compenser les pertes attendues dans l'agriculture».
John McGuinness a même indiqué qu'un veto de l'Irlande la semaine prochaine à un accord, à l'issue de la réunion «est une option» si le compte n'y est pas. «C'est un fait qu'elle est là et il serait (...) inconsidéré de la part de M. Mandelson de ne pas prendre en compte les positions qui ont été exprimées», a-t-il ajouté.