« Deux ans après sa première publication, ensuite censurée, l'étude du Professeur Gilles-Eric Séralini est republiée en accès libre avec ses données brutes », annonce le Criigen (Comité de recherche et d'information indépendantes sur le génie génétique) dans un communiqué paru mardi.
Cette étude controversée sur la toxicité de l'herbicide Roundup et du maïs OGM NK603 doit être publiée dans la revue Environmental Sciences Europe (groupe Springer), « car cette revue fonctionne en « open source », ce qui va permettre de mettre à la disposition de toute la communauté scientifique les données brutes », a indiqué Gilles-Eric Séralini, cité par l'AFP, lors d'une conférence de presse.
Cette étude avait d'abord été publiée en 2012 dans la revue Food and Chemical Toxicology, qui l'avait ensuite retirée, remettant en cause la méthodologie. « Les résultats présentés, s'ils ne sont pas incorrects, ne permettent pas de conclure », avait estimé le responsable éditorial de Food and chemical toxicology.
Mardi, le professeur Séralini a de nouveau dénoncé la concomitance entre ce retrait et l'arrivée dans le comité éditorial de la revue de Richard Goodman, « un biologiste qui a travaillé plusieurs années chez Monsanto ».
Enrichi de nouvelles analyses statistiques, le nouvel article s'appuie sur les mêmes données que la publication de 2012. Celle-ci, selon ses auteurs, avait démontré des effets toxiques du Roundup, sur des rats, relevant « de graves perturbations hépatiques et rénales, ainsi que des hormones sexuelles et l'apparition de tumeurs mammaires ».
« Nos travaux ne sont pas une étude de cancérogénèse mais de toxicité chronique », a insisté Gilles-Eric Séralini pour répondre aux critiques sur sa méthode. Le type et le nombre de rats utilisés, l'une des critiques centrales mises en avant par ses détracteurs, « est conforme aux études de toxicologie conduite dans le monde entier, et notamment par les industriels », a-t-il fait valoir.
Le biologiste a réitéré sa demande de publication des données brutes des études de toxicité conduites par les industriels dans le cadre de l'homologation de leurs produits. « Nous livrons aujourd'hui nos données brutes, nous aimerions qu'il en soit de même pour les industriels comme Monsanto », a déclaré le Pr Séralini. « L'opacité sur les données des industriels est aujourd'hui complètement anormale, c'est une anomalie scientifique », a-t-il estimé.
Winfried Schröder, éditeur pour la revue Environmental Sciences Europe, a indiqué dans un communiqué souhaiter, en republiant cet article, « permettre une discussion rationnelle » sur ces travaux.
« Le seul objectif est de permettre la transparence scientifique et, sur cette base, une discussion qui ne cherche pas à cacher, mais bien à se concentrer sur ces controverses méthodologiques nécessaires », ajoute-t-il.
Les conclusions de l'étude du professeur Séralini sur les effets sur les rats du maïs NK603 et de l'herbicide Roundup fabriqués par Monsanto, avaient été rejetées par l'Agence européenne de sécurité des aliments (Efsa) et l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) en France. Mais elles ont nourri un débat d'une ampleur inédite sur les protocoles utilisés pour tester les OGM et sur les lacunes des connaissances sur la toxicité à long terme des pesticides et des OGM résistants à ces pesticides.
Les agences sanitaires française et européenne avaient ainsi recommandé que soient conduites des études sur les effets à long terme de la consommation d'OGM, quasi inexistantes aujourd'hui. Des appels d'offre ont été faits dans ce sens par l'Union européenne.
L'équipe du Pr Séralini a toutefois critiqué mardi les protocoles retenus par ces agences, estimant qu'ils étaient « trop limités dans le temps » et qu'ils se concentraient « sur la cancérogénicité et non sur la toxicité générale à long terme ».