Le projet de loi sur les OGM devrait finalement être adopté mercredi par les députés. Ils devaient reprendre l'examen du texte mardi après-midi après l'examen de la motion de censure présentée par la gauche sur l'envoi de renforts en Afghanistan.
Dans la nuit de lundi à mardi a été abordée la question clé de la «coexistence» des cultures et des risques de dissémination OGM dans les cultures conventionnelles ou biologiques.
Les députés de l'opposition, de même que l'élu UMP François Grosdidier (Moselle), ont tenté en vain de modifier l'intitulé du chapitre trois de la loi («responsabilité et coexistence entre cultures»), en demandant la suppression des mots «coexistence entre cultures».
«Cette formulation sous-entend qu'il est possible de faire coexister la filière OGM et non-OGM de manière étanche. Les discussions du Grenelle de l'environnement ont conduit les participants à reconnaître que la coexistence, en l'état actuel, est impossible pour la majorité des végétaux génétiquement modifiés», ont argumenté les socialistes.
«Valider légalement la coexistence revient à autoriser la possibilité d'une contamination généralisée», ont assuré les Verts, déplorant «une formulation mensongère».
Toujours dans le cadre de l'article trois, les députés ont voté un amendement UMP qui dispose que les parcs nationaux et les parcs régionaux naturels «peuvent» exclure la culture d'OGM, «avec l'accord unanime des exploitants agricoles concernés», et «sous réserve que cette possibilité soit prévue par leur charte».
Dénonçant cette mention de «l'avis unanime», selon elle difficile à obtenir, l'opposition a évoqué une «supercherie» et un «amendement factice» destiné à donner «bonne conscience» à la majorité.
L'Assemblée nationale a aussi rejeté lundi soir un amendement de l'opposition PS qui demandait l'étiquetage des produits contenant des OGM. Il souhaitait aussi étiqueter «les produits ou sous-produits d'animaux élevés avec une alimentation composée en tout ou partie d'OGM». Auparavant, l'opposition avait tenté en vain de faire voter un autre amendement destiné à protéger les produits d'appellations d'origine contrôlées «de toute mise en cause potentielle au motif d'un usage d'OGM».
En revanche, l'opposition a infligé un nouveau revers à la majorité UMP en obtenant la suppression d'une disposition du projet de loi sur les OGM, qui limitait la liberté d'expression des membres d'un futur Haut Conseil des biotechnologies.
Les députés ont adopté l'article deux, qui prévoit la création de ce Haut Conseil pour «éclairer le gouvernement sur toutes les questions intéressant les organismes génétiquement modifiés (...)».
Le projet de loi – déjà adopté par le Sénat – prévoyait que les membres du Haut Conseil ne pouvaient prendre «à titre personnel, aucune position publique», «sans en avoir préalablement informé leur président». L'opposition, avec deux amendements de suppression des Verts et du PCF, a obtenu la suppression de cette restriction.
C'est le deuxième amendement de poids que fait adopter l'opposition – avec l'appoint de quelques voix de la majorité – après l'amendement Chassaigne (PCF) qui vise à protéger «les zones de productions de qualité sans OGM». François Grosdidier (UMP) avait aussi présenté un amendement de suppression similaire à celui des Verts et du PCF. En revanche, l'opposition n'a pas réussi à élargir la composition du Haut Conseil à des philosophes.
Le projet de loi a par ailleurs fait l'objet de divers commentaires mardi. «Le projet initial du gouvernement était bon mais la loi a été transformée dans les débats parlementaires, y compris à l'Assemblée, et s'éloigne de ses objectifs», a déclaré le député UMP François Grosdidier qui ne votera pas le texte. «Globalement c'est un recul et un déséquilibre», a-t-il ajouté.
Il a regretté notamment de «ne pas avoir obtenu la transparence totale pour tout ce qui concerne les effets des OGM sur l'homme ou sur l'environnement».
«La loi fait primer la position industrielle et concurrentielle et ça c'est ce qui justifiera demain (mercredi) de ma part un vote contre la loi», a-t-il expliqué, soulignant que «la transparence absolue était la première exigence» du projet dans sa formule initiale présentée par le gouvernement.
Pour sa part, le sénateur UMP de la Manche Jean-François Le Grand, président de l'autorité provisoire sur les OGM, a annoncé mardi dans un communiqué qu'il ne participerait pas à la deuxième lecture du texte devant le Sénat.
«Je ne vous donnerai pas une nouvelle occasion d'un débat réducteur qui porte sur la forme et non sur le fond», qui a «focalisé les attaques contre moi plutôt que de relever le débat au niveau des idées», écrit-il.
Quant à Nathalie Kosciusko-Morizet, la secrétaire d'Etat à l'Ecologie vivement critiquée par les députés UMP à l'occasion des débats sur les OGM à l'Assemblée nationale, a défendu mardi sur France 3 le projet de loi du gouvernement. «C'est à l'honneur de cette majorité d'avoir saisi le taureau par les cornes. Le sujet est difficile: ça fait 15 ans que tous les gouvernements se le renvoient et ça fait 15 ans qu'on attend d'avoir enfin un cadre clair sur les OGM», a-t-elle déclaré.
«Il faut voir d'où on vient», s'est-elle indignée, rappelant qu'avant le Grenelle de l'environnement, il y avait 20.000 hectares de cultures de maïs transgénique, le Mon 810, dans les champs et «très peu d'encadrement juridique».
«Là, on a la clause de sauvegarde sur ce maïs qui était le seul OGM cultivé en France, de façon commerciale, et on est en train de construire un cadre juridique avec un système de responsabilités, avec la transparence, avec un Haut Conseil sur les biotechnologies pour éclairer tout le monde, qui fait participer la société civile: on avance», a-t-elle estimé.
«On a une obligation légale d'avoir un encadrement», a-t-elle fait remarquer rappelant que la France devait transposer une directive européenne. «On essaie de le faire du mieux qu'on peut avec un équilibre qui préserve l'avenir», a-t-elle estimé.