La Commission européenne a proposé mercredi la mise en place d'une cour spéciale pour régler les litiges liés à l'investissement dans le cadre de l'accord de libre-échange en cours de négociation entre l'Europe et les Etats-Unis et remplacer l'actuel mécanisme d'arbitrage (ISDS), qui cristallise les inquiétudes.
« Nous proposons un nouveau système qui s'apparente à une cour de justice, une nouvelle cour avec des juges qualifiés (...) qui seront nommées par l'Union européenne », a annoncé mercredi Cecilia Malmström, la commissaire européenne en charge du dossier, promettant un système « transparent ». « Nous devons mettre en place les mêmes éléments que ceux qui permettent aux citoyens de faire confiance à leurs tribunaux », a-t-elle affirmé.
Ce mécanisme ne sera pas appliqué à l'accord de libre-échange avec le Canada mais à tous les futurs accords de libre-échange négociés par l'exécutif européen. Dans le détail, cette nouvelle cour sera composée d'un tribunal de première instance et d'une chambre d'appel.
« La démocratie découpée en tranches »
Pour éviter que des multinationales puissent contester des politiques nationales, « le droit des gouvernements à réglementer sera inscrit et garanti dans les dispositions des accords de libre-échange ». Enfin, « la capacité des investisseurs à saisir la cour sera précisément définie et limitée à des cas tels que la discrimination sexuelle, raciale, liée à la religion, la nationalité, l'expropriation sans indemnisation ou le déni de justice », a précisé la Commission.
Ces annonces n'ont pas calmé les opposants à l'accord de libre-échange UE-USA (connu sous les acronymes TTIP ou Tafta), en particulier les Verts. « C'est une opération d'enfumage qui vise à faire passer des couteaux de boucher pour des couteaux à beurre. Mais c'est bien la démocratie qui est découpée en tranches », a réagi l'eurodéputé français Yannick Jadot. « L'ISDS devient l'« Investment court system ». Malgré quelques changements visant à réduire les énormes conflits d'intérêt prévalant dans les systèmes d'arbitrage actuels, aucune réponse n'est apportée aux critiques fondamentales exprimées », a-t-il déploré.
« La France a fait bouger les lignes »
Matthias Fekl, secrétaire d'Etat chargé du commerce extérieur, « salue la reprise, par la Commission européenne, d'une large partie des propositions françaises. La France a fait bouger les lignes en Europe. Chacun peut mesurer le chemin parcouru depuis un an ».
« Sur la base des propositions que nous avons adressées en juin, élaborées dans le cadre des travaux réalisés avec d'autres Etats membres, notamment l'Allemagne, il est désormais clair que le mécanisme d'arbitrage investisseur-Etat a vécu. L'invention au niveau européen d'un mécanisme totalement neuf et respectueux des choix démocratiques est en marche. Il s'agit désormais de passer aux actes. »
« En envisageant la création d'une cour des investissements, dotée d'un tribunal de première instance et d'un tribunal d'appel, la Commission européenne a pris la mesure de la nécessité de rompre avec le mécanisme d'arbitrage tel qu'il existe depuis 50 ans. Plusieurs propositions devront toutefois encore être précisées et renforcées. La France sera exigeante sur leur mise en œuvre effective et sur le calendrier des travaux, qui doivent être conduits dans des délais rapides. La France y prendra toute sa part », précise encore le secrétaire d'Etat dans un communiqué du 16 septembre.