Le minipaquet relatif au lait a été adopté par le Parlement européen, réuni mercredi en session plénière. Ce texte, qui doit encore être ratifié par les Etats membres de l'UE, vise à préparer le secteur laitier à la sortie du régime des quotas, puis à l'accompagner jusqu'à la fin de juin 2020.
Aux termes d'un communiqué du Parlement, la nouvelle législation vise à « accroître le pouvoir de négociation des producteurs laitiers afin de garantir qu'ils obtiennent des prix plus équitables pour le lait cru qu'ils produisent » et à « les aider à se préparer à la fin des quotas laitiers en 2015 ». Elle permettra également « aux organisations de producteurs de négocier les prix du lait cru en leur nom sans enfreindre le droit de la concurrence. »
« Pour assurer une concurrence équitable, le volume de lait cru faisant l'objet de négociations entre les organisations de producteurs et les transformateurs ou les collecteurs ne devra pas excéder 3,5 % de la production européenne totale. Il ne pourra pas non plus dépasser 33 % de la production nationale globale ou 45 % dans les pays où la production totale est inférieure à 500.000 tonnes », précise le Parlement.
« Les États membres pourront continuer de décider d'imposer ou non des contrats couvrant la livraison du lait des producteurs aux collecteurs ou aux transformateurs pour leur territoire. Si ces contrats sont obligatoires, ils devront être établis avant la livraison, et inclure le prix, les délais de paiement, et les systèmes de collecte et de livraison du lait. Les États membres pourront également établir une durée minimale pour ces contrats, équivalente à au moins six mois, et les députés leur recommandent fortement d'agir en ce sens. »
« Afin d'assurer que les producteurs laitiers de zones défavorisées bénéficient également des nouvelles dispositions, les députés ont demandé à la Commission européenne de présenter deux rapports d'évaluation de leur situation, le premier pour juillet 2014 et le second d'ici à la fin 2018. »
« En vue d'améliorer le fonctionnement du marché des fromages bénéficiant d'une appellation d'origine protégée (AOP) ou d'une indication géographique protégée (IGP), et afin d'accroître leur qualité, les députés ont introduit une disposition en faveur d'un système de gestion de l'approvisionnement que les États membres pourront établir à condition qu'il n'entrave d'aucune manière que ce soit la concurrence, et qu'il ne porte pas préjudice aux petits producteurs de fromage. Toute proposition en faveur d'un système de gestion de l'approvisionnement devra être soutenue par, au moins, deux tiers des parties assurant la livraison d'au minimum deux tiers du lait destiné à la production de ces fromages de qualité. »
La nouvelle législation, souvent présentée comme le « minipaquet lait », a été adoptée, le 15 février 2012 par le Parlement, par 574 voix pour, 97 voix contre et 18 abstentions. Elle avait déjà été approuvée, à titre provisoire, par le Conseil européen (les ministres de l'Agriculture de l'UE) qui doit encore formellement la ratifier dans les mêmes termes que le Parlement. Ce devrait être fait à l'occasion du conseil agricole du 19 mars 2012, indique l'eurodéputé français Michel Dantin (PPE).
Dans un communiqué, ce dernier se félicite, entre autres, du fait que « l'interprofession fasse désormais partie intégrante du vocabulaire européen, et que la nécessité d'autoriser les producteurs de fromages sous AOP/IGP à gérer leurs volumes de production ait enfin été reconnue ». Mais Michel Dantin met en garde : « D'autres avancées, comme par exemple une contractualisation tout au long de la chaîne ou un mécanisme permettant de ne pas “vider” les zones défavorisées de leur production laitière dès la suppression des quotas, devront être effectuées dans les années à venir. Il faut que “l'atterrissage en douceur” promis par la commissaire de l'époque, Mme Mariann Fischer Boel, soit bel et bien une réalité pour les producteurs européens. »
Dans un communiqué diffusé mercredi, la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) « exprime sa satisfaction de voir les députés européens appuyer ce texte avec une très large majorité. Ce minipaquet sur le lait donne un rôle clé aux organisation de producteurs. En effet, une fois agréées, ces OP auront le pouvoir de négocier collectivement, avec les entreprises, les clauses contractuelles que sont le prix et les volumes ».
Pour autant, « la FNPL reste vigilante sur la déclinaison française de ce texte. Le décret sur les OP, qui va donner un cadre aux organisations de producteurs, doit accompagner la dynamique qui s'opère sur le terrain et non la contraindre. Les critères d'agréments doivent favoriser la massification de l'offre tout en tenant compte des spécificités territoriales ».
Aux yeux de la Confédération paysanne, le minipaquet lait constitue « une parodie de politique laitière, c'est un pas de plus vers le démantèlement des quotas. La concurrence qui va en découler se fera au détriment des producteurs. Ce paquet lait donne à l'industrie laitière l'entière gestion des volumes. Chaque Etat et chaque entreprise pourront jouer avec les disponibilités et les prix en intracommunautaire au détriment des producteurs locaux ».
Dans un communiqué, la Confédération paysanne dénonce encore « le décalage qu'il y a entre les discours officiels qui ont prévalu au moment de la mise en place de la LMA et l'affaiblissement de la position des producteurs qui découle de cet accord. [...] Les OP n'auront aucun pouvoir donc aucune utilité ».
Pour l'Organisation des producteurs de lait (OPL, Coordination rurale), « laisser le choix aux Etats d'imposer ou non la contractualisation induit inévitablement une distorsion de concurrence entre les pays ». Par ailleurs, le « nouveau règlement n'est assorti d'aucune mesure de régulation de la production européenne. Sans cadre de volume de production ni règle d'interdiction de vente en dessous d'un coût de production, les crises marquantes telles que celle de 2009 se reproduiront inévitablement », avertit la Coordination dans un communiqué.
L'OPL estime encore que « les eurodéputés n'ont, semble-t-il, pas compris (ou trop bien peut-être !) que les préoccupations d'atteintes à la concurrence devraient valoir aussi pour les industries agroalimentaires et pas seulement pour les producteurs déjà bien isolés face ces mastodontes que sont les laiteries ».
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