Jeudi, 250 éleveurs venus de toute la région Poitou-Charentes et de la Vendée se sont rassemblés devant la laiterie de Soignon, propriété du groupe Eurial-Poitouraine et proche de Saint-Maixent-L’Ecole (Deux-Sèvres). Objectif: protester contre l’annonce du groupe de baisser le prix du lait de chèvre.
Dans un courrier adressé la semaine dernière à tous ses adhérents, Eurial-Poitouraine dresse un bilan critique de la situation dans la filière. Il énumère différents problèmes qui justifient selon lui une baisse du prix payé aux producteurs:
- la filière est en surproduction; le prix payé aux éleveurs français, qui tourne en moyenne autour de 550 €/1.000 l, est plus élevé de 100 € que celui pratiqué par les Espagnols et Hollandais;
- sur le plan national, le lait de chèvre est payé près du double de celui de vache alors que cet écart est «traditionnellement de 50%» selon le groupe.
Le courrier a été perçu par les producteurs comme une provocation. Les trois arguments qu’il développe ont été vite balayés. Sur la surproduction supposée, les éleveurs rappellent qu’en janvier dernier, les laiteries réclamaient encore des litrages supplémentaires et donnaient des références à qui en demandaient. Les accuser maintenant de trop produire leur semble abusif.
Concernant le prix payé aux Pays-Bas et en Espagne, ils soutiennent qu’il s’agit de «prix de surplus», là encore parce que les laiteries se sont recentrées sur la production française et ont laissé les producteurs voisins avec des excédents.
Quant à la «tradition» d’un écart de 50%, ils soulignent que les deux marchés, fromages de vache et de chèvre, n’ont jamais évolué de la même façon. Celui des fromages de chèvre est en progression de 6,5% sur les neuf premiers mois de l’année et ne nécessite pas une baisse des prix pour être relancé.
Selon François Bonnet, président de la Fresyca (Fédération régionale des syndicats caprins), une baisse du prix du lait aurait des conséquences négatives sur la commercialisation. La grande distribution répercuterait cette baisse sur les fromages et en demanderait une autre plus substantielle encore.
Enfin, le dernier argument développé par Eurial-Poitouraine est celui de la baisse des coûts des aliments que le groupe évalue à 50 €/1.000 l. Les producteurs ont lu ce chiffre comme une annonce de la baisse que souhaite pratiquer le groupe, même si aucun montant n’a été annoncé officiellement.
Jeudi, le mouvement était emmené par un collectif réunissant des éleveurs qui se sont mobilisés ces derniers mois avec l’Apli (Association des producteurs de lait indépendants), des adhérents des syndicats caprins réunis au sein de la Fresyca, de la Confédération paysanne, de la Coordination rurale et de la FDSEA. Plusieurs fois dans la journée, les mots «apolitique» et «asyndical» sont revenus dans les paroles.
Mais syndiqués ou non, tous les éleveurs caprins partagent la même position: rien ne justifie une baisse du prix de leur lait. Lors de l’échange entre les représentants du collectif et les dirigeants de la laiterie de Soignon, ces derniers se sont engagés à maintenir le prix actuel jusqu’en mars prochain.