Alors que l'on approche de 100 dollars le baril, le responsable du groupe de veille économique agricole du réseau CER France, Jean-Marie Seronie, relativise l'impact du coût du pétrole pour les exploitations agricoles.
La France Agricole: Quelles sont les causes de la hausse du prix du pétrole?
Comme toute hausse des cours, il y a trois types de causes: structurelle, conjoncturelle et des raisons spéculatives. Structurellement, les principales raisons sont l'augmentation de la demande mondiale et le développement économique de la planète. S'ajoutent à cela, de façon conjoncturelle, des tensions politiques dans certaines zones de production importantes. Il existe enfin une dimension spéculative, avec des fonds financiers qui spéculent à la hausse et à la baisse sur les matières premières et qui amplifient les mouvements en rendant les marchés plus volatiles. Pour les céréales, c'est d'ailleurs la même chose.
Cette tendance haussière va-t-elle durer?
On peut vraisemblablement imaginer que la tendance à la hausse du prix du pétrole est durable, et qu'on ne redescendra pas à 50 dollars le baril. Mais, à très court terme, certains analystes pensent que les cours devraient rebaisser.
Quelles sont les conséquences pour le secteur agricole?
Il y a un impact sur les coûts de production qui est extraordinairement complexe. Bien sûr, on peut facilement mesurer les conséquences sur le poste "carburant", mais ce n'est qu'une petite partie de l'effet. Le poste "engrais" est lui aussi directement touché, car il est lié au prix du gaz. Mais, au final, ces effets ne sont pas énormes, à l'exception de certains secteurs spécialisés. A partir des comptabilités d'exploitations céréalières de Normandie, pour un chiffre d'affaires moyen de 170.000 euros, on a mesuré que si le carburant augmente de 10%, les charges augmentent de 700 euros. La charge directe en carburant, c'est 0,3% du chiffre d'affaires. Avec une hausse de 10% des engrais, le poste augmente de 1.600 euros. A titre de comparaison, si le prix du blé gagne 10%, c'est 6.800 euros de produit en plus. Sur les autres postes, les effets sont induits et indirects: l'énergie joue sur les phytos, sur le matériel, sur les services et, à moyen terme, sur toutes les charges.
Certains analystes mettent en relation la hausse du prix du pétrole et celle des matières premières agricoles. Ce lien vous semble-t-il justifié?
Les causes de la hausse sont similaires sur ces deux marchés, mais je ne pense pas qu'il y ait un fort lien de cause à effet. Il est clair qu'aujourd'hui les biocarburants influencent très peu le prix du blé. C'est plus le cas pour les oléagineux. Et quand on regarde le maïs aux Etats-Unis, on voit que le prix n'a pas flambé malgré une production d'éthanol qui a explosé. Comme on est sur des marchés où les échanges portent sur la marge, les moindres effets conjoncturels ou spéculatifs jouent très vite. C'est la fameuse loi de l'inélasticité des produits agricoles. Ce qui va influencer les prix à court terme, ce sont les arbitrages que vont faire les agriculteurs dans leurs assolements, et ceux réalisés par les fonds financiers. Sans oublier bien sûr les effets climatiques.