Les syndicats agricoles ont réagi différemment à l'accord sous forme de plan d'action retenu par les ministres de l'Agriculture des pays du G20 pour lutter contre la volatilité des prix agricoles et redéfinir les termes d'une agriculture mondiale, après deux jours de discussions à Paris les 22 et 23 juin.
Cette déclaration ministérielle en cinq points et quarante-cinq engagements « reprend pour l'essentiel les axes prioritaires arrêtés par les producteurs eux-mêmes » lors du G120 qui s'est tenu à Paris la semaine précédente, estime la FNSEA. L'accord est « très positif », a même indiqué Xavier Beulin, président du syndicat.
« Les paysans du monde présents au G120 ne peuvent que se réjouir de telles avancées. Elles représentent indiscutablement une traduction concrète de la volonté française affichée » par le président de la République, Nicolas Sarkozy, actuel président du G20.
La FNSEA regrette cependant « qu'il ait fallu que les producteurs agricoles (…) connaissent de graves difficultés (...) pour que leurs demandes (...) soient enfin entendues et traduites en volonté politique ».
En ce qui concerne la régulation des marchés financiers traitant des produits agricoles, la FNSEA « attend que le G20 Finances prenne bien en compte » cette question et que « le G20 chefs d'Etat confirme ces avancées », a ajouté M. Beulin.
Le principe de cette régulation a été acté par les ministres de l'Agriculture du G20. Ces derniers encouragent « fortement » leurs homologues chargés des Finances, qui se retrouvent cet automne, de prendre les décisions dans ce domaine, dans le cadre d'une régulation plus générale des marchés financiers.
Les Jeunes agriculteurs reconnaissent le caractère inédit, « sans précédent », de cet accord, tout en dénonçant « des zones de flous ». Des « décisions cruciales restent en suspens », souligne ce syndicat.
« Nourrir les populations du monde mérite mieux que le plus petit dénominateur commun des différents Etats. Assurer plus de transparence sur les stocks alimentaires, c’est bien, mais il faut aller plus loin ! » Les JA s'intérrogent sur le devenir de la régulation des marchés financiers « quasi-absente des conclusions, en tous cas sans objectifs clairs », et sur celui de la préservation du foncier agricole « qui reste la base de tout ». « Quid de la viabilité du métier d’agriculteur qui permettra d’installer les jeunes ? », questionnent encore les Jeunes Agriculteurs.
Ils resteront « attentifs aux conclusions du G20 en novembre prochain en France, pour voir si l’agriculture aura cette même envergure ».
Orama « salue l'accord obtenu » qui « replace l'agriculture et la production agricole dans les priorités stratégiques du monde et des Etats ».
« Augmenter la production agricole et la productivité constitue incontestablement une orientation forte et novatrice » de cet accord, estime l'Union des grandes cultures. Sa traduction concrète impose désormais des investissements, de la recherche, des innovations, du développement, mais aussi la levée des contraintes et l'activation des leviers de la productivité : biotechnologies, protection phytosanitaire, gestion de la ressource en eau ».
Orama sera « particulièrement attentive et vigilante à ce que les orientations adoptées » par le G 20 et poussées par la France, « attendues par les producteurs, se déclinent maintenant en autant d'actions concrètes et effectives ».
L'organisation syndicale demande à la France « des propositions ambitieuses en faveur d'un "produire plus et produire mieux" ».
« Le G20 agricole nous laisse sur notre faim ! », clame la Confédération paysanne. Le syndicat « constate l'absence de volonté et de décision concrète du G20 agricole pour lutter contre la volatilité des prix des matières premières ».
Les cinq piliers de ce plan, dont les mesures n'ont pas toutes été acceptées, souligne la Confédération paysanne, « ne remettent pas en cause la promotion du système agricole productiviste et le dictat par les lois du marché de l'agriculture mondiale ».
« La transparence des données sur l'agriculture, sans moyen d'intervention sur les stocks, ne limitera pas la volatilité des prix », revendique le syndicat. Quant à la politique de stockage alimentaire d'urgence, elle « est insuffisante et nécessite une politique de stockage publique dans l'ensemble des pays de la planète ».
La Confédération paysanne soutient que « l'ouverture obligatoire des marchés et la conclusion du cycle de Doha empêcheront aux peuples de protéger leur production et d'accéder à la souveraineté alimentaire ».
Elle estime que « l'investissement, au service des multinationales, pour le développement de la recherche génomique et des agrocarburants, se fera au détriment des paysans et des consommateurs ».
Finalement, dit la Confédération paysanne, « le G20 agricole a montré que la finance continue à coordonner les marchés agricoles », en renvoyant « au G20 finance la responsabilité de la régulation des marchés financiers des produits dérivés de l'agriculture ».
Pour la Coordination rurale, « les agriculteurs cherchent dans les déclarations officielles ce qui va changer pour leur avenir ».
« Les points d’accord n’engagent les participants que sur des intentions : ils reconnaissent, soulignent, invitent, encouragent, incitent, saluent… mais ne changent en rien leur comportement ni leur politique agricole », déplore la CR.
Le syndicat remarque sur un ton ironique qu'il a de son côté « depuis longtemps identifié que la dérégulation et l’ouverture forcée des frontières aux produits agricoles imposées par l’OMC constituent la cause majeure de la déstabilisation des marchés agricoles et de la ruine des agriculteurs ».
« La notion de souveraineté alimentaire devrait être le premier droit à établir pour chaque pays. Or, il n’est même pas évoqué dans le texte pourtant volumineux qui contient par contre des références élogieuses à l’OMC », déplore la CR.
Les pays du G20 « devraient envisager puis reconnaître que la seule solution pour nourrir correctement les peuples est de les laisser organiser et protéger leur propre agriculture comme ils l’entendent », martèle le syndicat.
Le Modef dénonce « une mascarade de négociation » : le G20 agricole « a accouché d'une déclaration d'intention qui appelle à ne rien changer ou si peu », déplore le syndicat.
« Au lieu d'apporter des solutions fortes basées sur la souveraineté alimentaire des peuples, le G20 dans sa déclaration vient renforcer le rôle et les orientations de l'OMC en précisant que "l'ouverture et le bon fonctionnement des marchés sont essentiels" », et « le G20 ne remet pas en cause les marchés financiers des produits dérivés des matières premières agricoles », s'emporte le Modef.
Les exploitants familiaux « attendaient des mesures fortes comme un encadrement des prix agricoles avec des prix plancher rémunérateurs, une politique de stockage publique par pays ou groupe de pays, une interdiction des produits financiers dérivés des matières premières agricoles ».
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