La Coordination européenne Via Campesina (ECVC) dénonce à nouveau la concentration et l'accaparement des terres agricoles, dans un rapport paru le 17 avril 2013. Mais cette fois-ci leur intervention cible l'Europe.
« L'accaparement des terres est largement supposé se produire seulement dans les pays du Sud, mais une analyse approfondie par une équipe de chercheurs montre que l'accaparement des terres est également en expansion en Europe », annonce Via Campesina, qui copublie cette étude avec l'Institut transnational Hands-Off The Land (HOTL).
Le rapport, impliquant 25 auteurs de 11 pays, révèle la façon dont « quelques grandes entités commerciales privées ont pris le contrôle de plus en plus grandes superficies de terres européennes [...] activement soutenues par une énorme injection de fonds publics ».
La concentration et l'accaparement des terres agricoles par des groupes d'intérêts financiers dont les acteurs se mettent à spéculer sur les matières premières et le prix des terres n'est pas un phénomène nouveau, en convient le rapport. Mais en Europe « ils ont accéléré au cours des dernières décennies, en particulier à l'Est », assure-t-il.
Les petits agriculteurs locaux sont exclus du commerce des terres agricoles à la faveur d'une augmentation, ces dix dernières années, des acquisitions par « des sociétés chinoises, des fonds souverains et des fonds de pension du Moyen-Orient, aussi bien que par des oligarques russes et les géants de l'agroalimentaire », tous attirés par les subventions élevées offertes par l'UE. Les auteurs du rapport ciblent bien évidemment les aides qui leur sont attribuées via la politique agricole commune.
Le rapport constate que la moitié des terres agricoles de l'UE est désormais concentrée dans les 3 % des grandes exploitations de plus de 100 hectares. En outre, dans certains pays membres, la propriété agricole est aussi inégalement répartie qu'au Brésil, en Colombie ou aux Philippines, déplore le rapport.
Selon lui, les entreprises chinoises se sont implantées à grande échelle en Bulgarie et les sociétés moyen-orientales sont des producteurs majeurs en Roumanie.
En Allemagne, on est passé de 1,2 million d'exploitations en 1966-67 à 299.100 en 2010. En Andalousie, ce chiffre a chuté des deux tiers à moins de 1 million en 2007. Et en 2010, 2 % des propriétaires possédaient la moitié de leur terre.
La terre est saisie à travers l'Europe pour de multiples raisons, énumère le rapport : « la production de matières premières pour l'industrie alimentaire dominée par les sociétés transnationales, les industries extractives, les bioénergies », ou encore l'installation de fermes solaires, l'étalement urbain, etc.
En France, « chaque année, plus de 60.000 hectares de terres agricoles sont perdues pour faire place à des routes, des supermarchés, à l'étalement urbain ou aux parcs de loisirs ». Souvent des cas isolés et de petite envergure, selon les auteurs du rapport, « mais ils s'additionnent » pour « empiéter sur les terres agricoles les plus fertiles et productives ».
Et ce sont les jeunes qui souhaitent s'installer qui en pâtissent le plus, regrettent Via Campesina et l'institut transnational. « La structure des programmes de subventions de la Pac et les politiques nationales d'accompagnement ne contribuent pas vraiment à [leur] entrée dans l'agriculture », constatent ces organisations.
Une dernière partie du rapport revient sur les mouvements de contestation citoyens qui apparaissent en Europe, contre l'artificialisation des terres agricoles et l'accaparement au détriment des petits paysans. Le cas de Notre-Dame-des-Landes, qui oppose les défenseurs du projet d'aéroport à proximité de l'agglomération nantaise, soutenu par le Premier ministre français Jean-Marc Ayrault, et des mouvements citoyens ou des syndicats agricoles comme la Confédération paysanne (qui adhère à Via Campesina), y est évoqué.
Pour en savoir plus, téléchargez le rapport.