Le Congrès américain a adopté le 4 février 2014 une réforme majeure de la politique agricole des Etats-Unis pour la période 2014-2018 en mettant fin aux aides directes qui constituent, de l'autre côté de l'Atlantique, le cœur de la politique agricole commune (Pac) européenne.
La loi réorganisant les programmes de soutien aux agriculteurs américains a fait l'objet d'âpres négociations depuis 2012 entre démocrates et républicains, mais aussi entre les élus des régions rurales et urbaines.
« Comme tout compromis, cette loi agricole n'est pas parfaite mais, au final, elle aura un impact positif non seulement pour les économies rurales qui nourrissent l'Amérique, mais aussi pour notre pays », s'est félicité le président Barack Obama dans un communiqué.
Principale nouveauté : la suppression des paiements directs aux cultivateurs, ces chèques aux montants « découplés » de la production réelle et qui étaient versés systématiquement chaque année, en fonction de la surface du champ, que celui-ci soit cultivé ou non.
Aux Etats-Unis, les 5 milliards de dollars annuels ainsi distribués étaient politiquement difficiles à justifier depuis l'explosion récente des cours mondiaux, notamment des céréales. « Cette loi constitue une étape majeure vers un changement de modèle, où nous mettons fin aux subventions et nous donnons aux exploitants les outils pour gérer leurs propres risques. Et nous les aidons », a expliqué la sénatrice démocrate Debbie Stabenow.
La loi gonfle en échange les mécanismes de garanties contre les chutes des cours et des revenus, ainsi que les programmes subventionnés d'assurance souscrits par les agriculteurs contre la volatilité des prix et les catastrophes naturelles. Les primes d'assurance payées par les exploitations sont largement subventionnées par l'Etat fédéral : environ 60 % de leur coût en moyenne.
Les fédérations professionnelles, du maïs au secteur laitier, se sont réjouies du vote de la loi, l'Union nationale des agriculteurs louant « un filet de sécurité efficace pour les agriculteurs et les Américains dans le besoin ».
Les programmes « verts » sont renforcés
« C'est un système où il sera très difficile pour un agriculteur de perdre de l'argent », analyse David Laborde, chercheur à l'Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (Ifpri), à Washington. « On assure le revenu des agriculteurs », a-t-il expliqué à l'AFP.
Au total, l'enveloppe consacrée aux aides agricoles reste stable, à hauteur d'environ 20 milliards de dollars par an sur les cinq prochaines années. Mais ces dépenses pourraient croître significativement en cas de chute des cours mondiaux.
La loi inclut aussi une légère révision à la baisse du grand programme de bons alimentaires (« food stamps »), pilier de la protection sociale américaine, qui sont attribués à près de 48 millions d'Américains à bas revenus pour les aider à acheter de la nourriture.
Les programmes « verts » d'incitation à la préservation de l'environnement, par exemple avec des incitations à la jachère, sont également renforcés.
Plusieurs ONG (organisations non gouvernementales) ont critiqué une demi-réforme. « Même les exploitations les plus riches peuvent recevoir des subventions généreuses », déplore Jason Rano, de l'Environmental Working Group, qui militait pour des plafonds stricts.
Les conservateurs américains ont de leur côté déploré une loi pleine de programmes inutiles. « Pour voter une loi agricole, le Congrès doit trouver le moyen de satisfaire chaque groupe d'intérêt, de chaque fédération de cultivateurs, des asperges au blé. Si on supprime les subventions de quelqu'un, on leur donne une bourse. Si on tue leur bourse, on subventionne leur assurance », a expliqué le sénateur John McCain.
Pour certains spécialistes, les nouveaux systèmes d'assurance vont en outre inciter les agriculteurs à produire encore plus, ce qui rompt avec la philosophie des négociations commerciales menées sous l'égide de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).
« Les Etats-Unis ont assez peu de scrupules. Ils mettent en place des instruments qui sont des incitations à produire, qui isolent les producteurs des signaux de prix, ce qui en fait vraiment une assistance à la production, donc indirectement à l'exportation », a expliqué à l'AFP Jean-Christophe Bureau, auteur d'un rapport sur la politique agricole américaine pour le Parlement européen.