Jeffrey Steiner, doyen associé des sciences agricoles à l'université du Colorado, était en France pour la première fois de sa carrière. Dans le cadre d'un entretien à Paris le 14 mai, il a livré à La France Agricole son expertise sur le développement d'une agriculture durable aux Etats Unis.
« Nous serons 9 milliards d'individus sur Terre en 2050. Il faudra augmenter la production de céréales de 40 % et doubler la production de viande », analyse le scientifique américain. Face à ces données, il s'agit de relever le défi lié à l'alimentation mais également à la consommation d'eau et d'énergie. Ces défis s'accompagnent d'une volonté de préserver les modèles agricoles, « les exploitants doivent être productifs et avoir une activité rentable tout au long de la chaîne de valeur », poursuit-il.
Pour le Dr Steiner, l'agriculture durable englobe à la fois la protection des ressources naturelles mais également les ressources en capital humain (nombre d'exploitants, salariés, etc.). « Il faut assurer aux agriculteurs une qualité de vie à partir de la production », lance le scientifique.
La diversité de l'agriculture américaine doit être préservée et les gens qui en vivent aussi. Selon les chiffres présentés par le ministère de l'Agriculture américain, 90 % des fermes américaines sont de « petites exploitations familiales » qui réalisent moins de 250.000 euros de chiffres d'affaires. Elles participent pour 25 % au revenu de la production aux Etats-Unis, soit environ 22 milliards de dollars. Les « grandes exploitations familiales » représentent 7,5 % des exploitations et produisent 60 % de la valeur de la production agricole aux Etas-Unis. « Au total, 85 % de la valeur de l'agriculture américaine est donc générée par les exploitations familiales », démontre le professeur Steiner.
Pour le scientifique, il est nécessaire de trouver des leviers qui permettent à la fois aux producteurs d'avoir le libre choix dans l'organisation de leurs entreprises tout en produisant davantage. Parmi les exemples de durabilité des systèmes, le scientifique pointe notamment l'agriculture de conservation, utilisée par 35 % des exploitations en grandes cultures (blé, maïs ou soja), l'agriculture « raisonnée » pratiquée par 60 à 100 % des exploitations américaines selon les productions ou encore la planification de l'irrigation ou la rotation des cultures.
Le Dr Steiner n'exclut pas de l'agriculture durable les variétés génétiquement modifiées qui font partie intégrante de certains systèmes agricoles américains. « Quant aux résistances de certaines adventices, tout est une question de gestion », affirme-t-il.