En exportant de la poudre de lait subventionnée vers l'Afrique subsaharienne ou en négligeant d'étudier l'impact de ses politiques sur les pays pauvres, l'UE détruit souvent d'une main ce qu'elle donne de l'autre en matière d'aide au développement, déplore un rapport publié lundi.
Aujourd'hui encore, « beaucoup de politiques européennes sont incohérentes avec le développement économique » des pays pauvres, et « contribuent à défaire le bon travail réalisé en matière d'aide au développement », a déploré Laura Sullivan, d'ActionAid, à l'occasion de la présentation de ce rapport de la confédération d'ONG (organisations non gouvernementales) européennes Concord.
Le rapport cite en exemple les aides à l'exportation des produits laitiers, qui ont repris en 2009 à la faveur de la crise que traversait le secteur en Europe. « Elles ont permis en 2010 une explosion de 62 % des exportations de poudre de lait européenne vers l'Afrique subsaharienne », relève Laust Gregersen, de Concord Danemark. De même, l'objectif de 10 % d'énergies renouvelables dans les transports d'ici à 2020 encouragerait les entreprises européennes de biocarburants à chercher des terres arables en Afrique ou ailleurs.
Le rapport cite l'exemple d'une compagnie italienne qui a finalement dû renoncer, à la suite des pressions des ONG, à un projet d'acquisition de 50.000 hectares au Kenya qu'elle entendait louer 2 €/ha/an pour y produire de l'huile de jatropha. De même, les importations nettes de nourriture de l'UE requièrent quelque 35 millions d'hectares de terres arables non européennes, « soit l'équivalent du territoire allemand », relève le rapport.
La Commission devrait publier, au début de décembre, sa propre évaluation de la « cohérence des politiques au service du développement (CPD) ». Invité à la présentation du rapport, Leonard Mizzi, de la direction générale de l'Agriculture de la Commission européenne, a souligné que la Pac s'attachait à réduire son impact sur les pays en développement. « Mais nous devons être réalistes », a souligné M. Mizzi : « La CPD requiert une approche mondiale ». Faute de quoi, si les producteurs de poulets européens cessaient d'exporter à prix cassés leurs abats vers l'Afrique de l'Ouest, « ceux de l'Asie ou de l'Amérique du Sud continueraient à le faire ».