La situation difficile de certains producteurs annonce une vague de concentration qui gagnera l'abattage et la découpe, affirme le président d'Inaporc, Guillaume Roué, dans une interview à La France Agricole.
La France Agricole : Quel impact auront les faillites d'élevages sur la production porcine française ?
Guillaume Roué : Un élevage sur dix serait en situation de dépôt de bilan avec un taux d'endettement supérieur à 120 %. Et 30 % dans une situation nécessitant une restructuration de leurs dettes et qui, dans la majorité des cas, entreront dans une procédure de redressement judiciaire amiable. Il faut un an entre l'insémination de la truie et la vente des porcs. Les conséquences de ces cessations d'activité seront peu visibles en 2011. La production reculera de 2 à 3 %.
Ensuite, tout dépendra de la rapidité avec laquelle les exploitations reviendront à l'équilibre financier. Aujourd'hui, nous avons peu d'espoir de voir les coûts de production chuter. Habituellement, les cours remontent en avril et mai. Cette hausse compensera probablement les 20 €/t d'augmentation du prix de l'aliment qui restent à passer. Mais cela ne suffira pas pour couvrir le prix de revient. Et si en septembre, lorsque les cours du porc amorcent leur baisse saisonnière, nous n'avons pas d'inversion de tendance pour le prix de l'aliment, ce sera une catastrophe pour 2012.
La filière est-elle capable de se doter de moyens pour pérenniser tous ses maillons ?
Les difficultés que nous avons rencontrées pour conclure notre dernier accord interprofessionnel sur l'origine des produits m'interrogent. Notamment sur la conscience des maillons plus en aval. Mon rôle n'est pas de m'immiscer dans leur stratégie, mais de leur expliquer que s'ils ne font pas preuve d'un minimum de solidarité envers l'amont, le marché les ramènera à la réalité. Et de façon très dure, car le jour où les éleveurs auront la main, ils l'auront.
Que deviendront les places libérées ?
Elles ne seront pas toutes reprises, et c'est pour cela que la production baissera. Sept porcs sur dix sont produits dans l'ouest du pays. Aujourd'hui, la restructuration des élevages passe par les droits à produire institués par la réglementation environnementale. L'allègement des procédures offre des perspectives. Il semble que le carcan administratif qui pèse sur les élevages depuis quinze ans soit appelé à s'alléger.
Ce n'est plus la quantité d'azote produite par les animaux qui serait comptabilisée, mais celle sortant des exploitations. Cela reviendrait à prendre en compte le traitement du lisier. Les zones d'excédents structurels disparaîtraient, et avec elles les droits à produire. Et dans ce cas, les outils aujourd'hui en cessation d'activité, trop anciens ou qui ne tiennent pas la route, ne seront pas repris. Les projets de restructuration feraient appel à des constructions neuves techniquement plus efficaces.
En juin, vous envisagiez une croissance de la production française d'ici à 2015. Et aujourd'hui ?
Dans notre projet « porc 2015 », nous nous placions en position de challenger avec comme objectif de produire 27 millions de porcs, soit trois millions de plus qu'à l'heure actuelle. Seulement, depuis cinq ans, la production hexagonale stagne. Mais chaque outil d'abattage a besoin d'une croissance de 2 % par an pour écraser ses charges de structure. Autrement dit, sur cinq ans, cela signifie que nous sommes à 10 % de sous-occupation.
A ce rythme, des mouvements de concentration dans le maillon d'abattage et de découpe auront lieu avant la fin de 2011. Et il le faut. Pour la salaisonnerie, cela prendra davantage de temps. Mais on n'a jamais vu une usine sidérurgique vivre à côté d'une mine de charbon fermée. Ce sera pareil dans notre filière porcine.
La contractualisation entre les filières végétales et animales ne fait-elle pas resurgir le spectre de l'intégration ?
Oui, bien sûr. Ce qui a fait le succès des éleveurs de porcs français, c'est leur capacité à gérer leur entreprise en étant autonome et en collant au marché que ce soit pour acheter l'aliment ou vendre leurs porcs. Coller au marché, c'est évoluer. Ça nous a été bénéfique.
Les soubresauts que nous avons connus ces derniers temps ont changé la donne concernant l'approche que l'on peut avoir de la gestion des exploitations. Pour contractualiser, il faut des partenaires. De ce que je sais, il y a encore un travail de pédagogie énorme pour que les partenaires s'accordent sur un projet gagnant-gagnant. Et ce dont je suis sûr, c'est que la contractualisation ne se décrète pas !
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vendredi 25 février 2011 - 09h17
En fait, on va assister à une délocalisation de la production porcine. Fini la qualité et la rigueur sanitaire,il faudra se contenter de ce que l'on pourra trouver A force de tirer sur la ficelle : charges, prix et normes, elle finit par casser. Pas sûr que l'on gagne au change; on sait ce que l'on perd mais pas ce qu'on trouvera. Idem pour les fruits et légumes.