Le réchauffement menace nos vins et nos terroirs, se sont inquiétés un millier de viticulteurs qui, au côté de Greenpeace, ont symboliquement sonné le tocsin sur des bouteilles vides vendredi, à l'intention des négociateurs du sommet sur le climat de Copenhague, lors d'un salon des Vignerons indépendants de France (Vif) à Paris.
«Pour un vigneron, la valeur de son vin dépend de la spécificité de son terroir», a souligné Michel Issaly, président des Vif.
A court terme, «même si des effets positifs temporaires» comme la hausse des rendements ou la baisse de la fréquence des traitements «peuvent se révéler sur certains vignobles», indiquent les Vif et Greenpeace, «ce dérèglement du climat montre déjà ces effets négatifs».
En effet, les vendanges gagnent en précocité un peu plus chaque année dans certains vignobles, avec près de 15 jours d'avance, et le stress hydrique des ceps de vigne est déjà très prononcé, comme en 2009, dans le Sud, où les rendements ont encore une fois été affectés (-7% de récolte dans le Languedoc-Roussillon par rapport à 2008, alors que ça remonte dans quasi tous les autres vignobles, -22% par rapport à la moyenne quinquennale, selon les chiffres du ministère de l'Agriculture au 1er novembre 2009).
Mais, précisent-ils, «à plus long terme, en France, si ces changements climatiques s’aggravent, les spécificités actuelles des terroirs viticoles vont être irrémédiablement modifiées et engendrer une perte des spécificités des vins français uniques au monde», ou encore une nouvelle répartition géographique des vins avec la disparition de certains cépages et des chutes inquiétantes des rendements.
La canicule est un risque majeur, ont insisté les vignerons, qui ont fait déguster aux journalistes présents le millésime 2003, année de canicule, avec d'autres plus classiques, pour différents cépages: «2003, c'est le millésime qui fait peur», a commenté Olivier Thiénot, directeur de l'Ecole du vin. Selon les scientifiques, de telles conditions climatiques seront la norme un été sur deux d'ici à la fin du siècle.
«Le grand risque, c'est la perte d'acidité (à cause d'un excès de sucre, dû à une maturation trop importante, NDLR). On risque d'avoir le même problème que les vignerons australiens, qui doivent acidifier leurs vins en rajoutant de l'acide tartrique», prévient Olivier Thiénot. Mais «actuellement, les vignerons sont contents de leurs dix dernières années. Ils ont encore une marge de manoeuvre», nuance-t-il.
«Nous sommes dans une situation d'urgence; il faudra marquer les arrêts de jeu à Copenhague», prévient Pascal Husting, ravi de pouvoir rallier les vignerons à la cause du climat. Car «ce qui est en danger, c'est cette finesse absolue des vins de terroir», fait-il remarquer.
«On dépasse allègrement les 15 degrés» alcooliques pour les vins du Roussillon, note Michel Issaly. «Ce sont des vins qui ressemblent de plus en plus à des vins du Nouveau Monde», déplore-t-il.
En Bourgogne, le pinot noir est dans le collimateur: «Ce cépage déteste la chaleur. On risque de le perdre totalement. Or sans pinot noir, il n'y pas de bourgogne rouge», lance Michel Issaly.
Quand les conditions climatiques actuelles de la Bourgogne, qui donnent au vin de cette région sa spécificité, auront disparu, aucune autre région française ne pourra prendre la relève puisque le caractère des vins de Bourgogne est lié à ce terroir particulier.
En France, la limite de culture de la vigne, qui se situait autrefois en Champagne, a dépassé la Manche et aujourd'hui «l'Angleterre commence à faire du vin», souligne Michel Issaly. «Dans un certain nombre d'années, ils pourront faire des vins proches des vins de Champagne», ajoute-t-il.
«La France, pays historique de la culture de la vigne et du vin, ne peut pas rester sans réagir devant la dégradation de ces terroirs uniques au monde», conclut un communiqué commun des Vif et de Greenpeace.