Entre le passage d'El Nino, les sécheresses sévères ou les pluies torrentielles, les paysans les plus pauvres sont de plus en plus vulnérables aux caprices de la météo. Satellites et ordinateurs ultra-puissants à l'appui, de nouvelles formes d'assurance émergent pour les protéger.
Traditionnellement, quand un sinistre survient, un expert est envoyé sur place pour évaluer les dommages. Trop cher pour de petites exploitations dans les zones reculées d'un pays en voie de développement.
L'assurance « indicielle » ou « paramétrique » déclenche en revanche automatiquement une indemnisation quand des indicateurs observés par des stations météo ou par des satellites (précipitations, températures, évapotranspiration des plantes, etc.), dépassent un seuil fixé à l'avance. Les coûts de gestion sont réduits, le processus d'indemnisation est plus court, la cotisation à payer devient abordable. De quoi aider les petits agriculteurs à surmonter les coups durs, à éviter la disette, l'endettement, voire la vente de leurs biens.
Comme, « pour beaucoup d'agriculteurs, le changement climatique se traduit par un nombre croissant de « mauvaises » années, il faut être encore plus productif sur les années qui restent », remarque Daniel Osgood, spécialiste de l'assurance indicielle à l'université Columbia.
Grattage et mobile
« Sur 400 à 500 millions d'agriculteurs potentiellement assurables, seuls 40 à 50 millions y ont recours », indique Gilles Galludec, responsable du Programme global pour l'assurance indicielle (GIIF), géré par la Banque mondiale. La majeure partie de ces bénéficiaires se trouve dans de grands pays émergents, en Inde où l'Etat apporte des aides financières importantes, en Chine, au Brésil ou au Mexique.
Les projets pilotes se sont multipliés au cours des quinze dernières années. Quelques-uns ont pris de l'ampleur comme l'expérience lancée au Kenya en 2009 par la fondation Syngenta, devenue cinq ans plus tard la société ACRE (Agriculture and climate risk enterprise). Grâce à cet organisme, plus de 230.000 éleveurs et cultivateurs de maïs, sorgho, café ou blé, kenyans et rwandais, sont désormais protégés contre la sécheresse, les pluies excessives et les orages. En moyenne, les agriculteurs couverts ont investi 19 % de plus dans leurs fermes et ont gagné 16 % de plus que les non assurés.
Pour des paysans découvrant le principe de l'assurance, « nous voulions des produits simples accompagnés d'un message simple », remarque Benjamin Njenga, responsable des analystes chez Acre. Parmi leurs solutions : un paysan achète un paquet de semences dans lequel se trouve un code à gratter, transmis à Acre qui peut le géo-localiser. Si une indemnisation est déclenchée, il reçoit un paiement directement sur son téléphone mobile pour l'achat d'un nouveau paquet.
Pas la panacée
Débourser ne serait-ce que 10 euros restant problématique pour certains, plusieurs acteurs peuvent avoir intérêt à « subventionner » la prime d'assurance : les fabricants ou distributeurs d'engrais et de semences qui en font un geste commercial, les banques qui veulent éviter les non-remboursements, les coopératives qui commercialisent les produits des agriculteurs, voire les Etats qui veulent protéger leur population. Au-delà des nouvelles techniques de commercialisation, les assureurs doivent trouver la bonne formule pour faire correspondre au mieux les indices météo aux réalités des bénéficiaires.
La multiplication récente des satellites a permis de rendre compte avec plus de précision de la situation sur le terrain qu'avec des stations météo parfois trop parsemées ou mal entretenues. Parallèlement, la capacité grandissante des ordinateurs à traiter d'énormes masses de données permet d'exploiter à meilleur escient les informations contenues dans ces images.
Pour que l'assurance indicielle prenne de l'ampleur, ses promoteurs mettent l'accent sur l'importance du soutien réglementaire et financier des Etats, qui, en Europe ou aux Etats-Unis, subventionnent les polices des agriculteurs. Mais cette protection n'est pas la panacée, insistent-ils : elle n'intervient qu'en cas de désastre exceptionnel, tous les 5 à 10 ans, et, surtout, n'est qu'un outil parmi d'autres dans la lutte contre la pauvreté et les impacts du changement climatique.