Le tribunal administratif de Grenoble a annulé jeudi un arrêté préfectoral indispensable à la construction du Center Parcs de Roybon en Isère, portant un nouveau coup à ce projet controversé de village de vacances, déjà bloqué depuis sept mois.
« C'est une bonne nouvelle ! », s'est réjoui Christian Brély, président de la Fédération des pêcheurs de la Drôme, à l'origine de deux des six recours attaquant le projet. Saisi par trois associations d'opposants, le tribunal a jugé illégal l'arrêté du préfet de l'Isère du 3 octobre 2014 qui autorisait le chantier de Pierre & Vacances au titre de la loi sur l'eau.
Compenser les zones humides détruites par la construction
Composée exceptionnellement de six magistrats dans sa formation de jugement, la juridiction a critiqué les sites choisis par le groupe pour compenser les zones humides détruites par la construction.
Le tribunal a ainsi pointé le « morcellement », « la dispersion » et « la distance » des sites de compensation « situés sur cinq départements, de l'Ardèche à l'Ain et au nord de la Haute-Savoie ». « Seule la remise en état d'une superficie de zone humide de 19,3 hectares, répartie au demeurant sur trois sites différents, est prévue en compensation à proximité du projet », remarque le tribunal.
Le projet de Center Parcs est situé en tête de bassin versant de deux rivières, au cœur de la forêt de Chambaran, un site souvent qualifié de « château d'eau » par les opposants au projet.
« Cette décision de justice va dans le bon sens », a réagi Sabine Buis, secrétaire nationale du Parti socialiste à la transition énergétique et à l'écologie. « La destruction des zones humides ne saurait être banalisée ou prise à la légère », a-t-elle ajouté, alors que le projet est soutenu par une vaste coalition d'élus locaux de droite et de gauche, au premier rang desquels l'actuel secrétaire d'Etat à la Réforme territoriale André Vallini (PS).
La course d'obstacles continue
Europe Ecologie - Les Verts (EELV) a salué « une victoire éclatante du droit et de l'intérêt général ». Qualifiant ce complexe touristique de « véritable désastre environnemental » et d'« aberration économique, avec un budget pharaonique [...] fortement alimenté par des subventions publiques », les écologistes ont réclamé « l'abandon définitif du projet ».
« Ce n'est pas envisagé et pas envisageable », leur a rétorqué le PDG de Pierre & Vacances Gérard Brémond, dans un entretien à l'AFP. Il a annoncé que le groupe, tout en faisant appel du jugement, allait revoir son dossier pour prendre en compte les critiques de la justice concernant la compensation des zones humides détruites.
« Tout peut être bouclé dans 12 à 18 mois d'une manière globale et définitive », selon M. Brémond. « La course d'obstacles continue, on est sur la dernière haie », a-t-il affirmé, « convaincu du bien-fondé économique et environnemental du projet ».
Lancé en 2007, le Center Parcs a déjà fait l'objet de nombreux recours. En décembre dernier, le juge des référés avait suspendu l'arrêté relatif à la loi sur l'eau, jugement invalidé à la mi-juin par le Conseil d'Etat. Jeudi, le tribunal a finalement annulé l'arrêté en se prononçant cette fois sur le fond du dossier.
« La partie n'est certainement pas terminée... mais les travaux sont aujourd'hui bloqués », s'est réjouie dans un communiqué la Frapna (Fédération rhône-alpine de la protection de la nature), qui avait déposé deux recours contre le projet.
La décision du tribunal devrait aussi réjouir les militants zadistes que le préfet avait promis d'expulser en cas de validation du projet. Installés dans une maison forestière à proximité du chantier, ils bloquent l'avancement des travaux depuis décembre.
Le projet de Roybon prévoit la construction de mille cottages, commerces et restaurants autour de l'« Aquamundo », une bulle transparente maintenue à 29°C, avec piscine et jacuzzi. Le complexe devrait permettre la création de 468 emplois-équivalent temps plein.