Les bouquetins sèment à nouveau la discorde dans le massif alpin du Bargy : au grand dam des défenseurs de la nature, plus des deux tiers du cheptel vont être abattus en raison de la brucellose, maladie infectieuse qui risque, selon les éleveurs, de contaminer leurs bêtes.
« C'est un compromis », indique le préfet de Haute-Savoie, Georges-François Leclerc, applaudi par les agriculteurs ; « un mauvais scénario », lui rétorquent les associations. Pour la troisième année consécutive, le caprin, espèce protégée depuis 1981, nourrit les passions dans ce massif des Alpes.
Selon un arrêté préfectoral du 16 septembre 2015, l'Etat autorise la « capture » et l'« euthanasie » de bouquetins séropositifs à l'enzootie par les agents de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), en « vue de la constitution d'un noyau sain parmi la population des bouquetins du Bargy, et pour compléter le noyau sain de 61 individus » existant. Mais la préfecture prévoit également l'abattage d'animaux « non testés séronégatifs en 2015 et ne faisant pas partie du noyau sain constitué ». Sur environ 300 bouquetins, quelque 230 devraient ainsi être abattus. Sur l'ensemble du cheptel, plus de 40 % est infecté par la brucellose. Un taux qui ne « descend pas », souligne le préfet.
Resteraient de 60 à 70 bêtes « saines ». De quoi « consolider la souche du Bargy », relève le représentant de l'Etat, avant d'introduire l'année prochaine des bouquetins en provenance d'autres massifs alpins où de 9.000 à 10.000 de leurs congénères s'ébattent.
Cette décision a provoqué la colère de quatre associations de protection et de défense de la nature (France Nature Environnement, LPO, Frapna et Aspas) qui s'insurgent d'un « abattage massif » faisant fi de l'avis défavorable du Conseil national de protection de la nature (CNPN), une commission à caractère consultatif, émis mardi.
« Les études conduites par une quinzaine d'experts européens réunis par l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire) entre octobre 2014 et juillet 2015 ont permis de démontrer que l'abattage massif, rapide, non différencié, loin de réduire la maladie, a pour conséquence d'augmenter les risques notamment par l'éparpillement des animaux », relèvent les associations.
Un danger pour les élevages ?
Contrairement à l'arrêté préfectoral qui met en avant la protection de la santé publique et la prévention de « dommages à l'élevage et aux filières agricoles de montagne », celles-ci considèrent, en s'appuyant sur des avis d'experts, que les « bouquetins du Bargy ne représentent pas un danger significatif pour le cheptel domestique et que le risque actuel pour l'homme est quasi-nul ». « Le préfet ne fait que céder à des pressions court-termistes », déplore Jean-David Abel, de France Nature Environnement.
Faux, rétorquent les agriculteurs de la FDSEA des deux Savoie. Le syndicat agricole désigne le bouquetin du Bargy comme le principal et seul coupable dans la contamination d'un cheptel laitier en 2012 sur le Grand Bornand et dans deux cas de brucellose humaine en 2012 et 2013 sur la même commune, située au cœur de la zone de production de l'AOP du reblochon. « Depuis trois ans, c'est une épée de Damoclès sur tous les élevages du massif », s'inquiète le président de la FDSEA, Bernard Mogenet, qui appelle à un abattage « efficace et rapide dès cet automne ».
Le syndicaliste agricole a sans doute encore en mémoire l'épisode de l'automne 2014. La préfecture de la Haute-Savoie, qui avait initialement prévu l'abattage total des bouquetins du massif, avait fait machine arrière à la demande de la ministre de l'Écologie, Ségolène Royal. Les services de l'État s'étaient orientés vers un abattage ciblé des seuls bouquetins malades ayant été repérés après un dépistage.
En 2015, les bouquetins du Bargy obtiendront-ils un nouveau sursis ? Les défenseurs de la nature ont en tout cas prévu de contester la décision préfectorale devant la justice.
A télécharger :
- Mesures de maîtrise de la brucellose chez les bouquetins du Bargy (juillet 2015)