Mariann Fischer Boel, commissaire européenne en charge de l'agriculture et du développement rural, a adressé une lettre au courrier des lecteurs de La France agricole au sujet du bilan de santé de la Pac.
Voici son texte :
«J’ai récemment présenté un document contenant les idées que je défends pour rationaliser et moderniser la politique agricole commune, un projet que j’ai baptisé ''bilan de santé de la Pac''. Ce n’est pas que la Pac soit malade: nous voulons simplement nous assurer qu’elle permette aux agriculteurs du XXIe siècle de relever les défis et de saisir les occasions qui se présentent à eux. Les choses ont bien changé depuis que nous avons lancé les réformes de la Pac en 2003. Besoins du marché, bien-être animal, préoccupations environnementales et exigences des consommateurs sont devenus les maîtres-mots de notre politique agricole.
L’Union européenne compte aujourd’hui 27 Etats membres. Au-delà de nos frontières également, le monde est en pleine mutation. De nouvelles problématiques émergent, liées notamment à la mondialisation, au changement climatique et aux nouveaux modèles commerciaux caractérisés par une concurrence accrue. La Pac doit tenir compte de tous ces éléments.
C’est pourquoi je souhaite que le bilan de santé se concentre essentiellement sur trois grandes questions: comment rendre le régime d’aides directes accordées aux agriculteurs plus efficace et plus simple? Comment assurer, dans le contexte mondial actuel, l’adéquation des instruments de soutien du marché? Et comment relever les nouveaux défis, tels que le changement climatique, les biocarburants, la gestion de l’eau et la préservation de la biodiversité?
Nous avons déjà déployé des efforts considérables pour simplifier les règles de la Pac. A l’occasion du bilan de santé, nous poursuivrons nos efforts pour faire disparaître les formalités excessives qui compliquent la vie des agriculteurs et des administrations.
Dans certains Etats membres, il existe des écarts non négligeables entre les paiements dont bénéficient les agriculteurs. Il faudrait donc revisiter le régime d'aides directes afin que les Etats membres qui le souhaitent puissent réduire ces écarts sur leur territoire, par souci d'équité.
Les règles de la conditionnalité constituent un autre point qu’il convient d’examiner pour renforcer leur lisibilité et réduire les formalités administratives. Mais soyons bien clairs: nous n’avons nullement l’intention de revoir les exigences à la baisse. Celles-ci constituent en effet un signal clair en direction des consommateurs et contribuables européens, leur indiquant que l’argent public dépensé pour la Pac sert leurs intérêts.
Les temps sont propices à la mise en place de solutions viables. Pour de nombreux produits agricoles, l’heure est à l’optimisme sur les marchés mondiaux, et l’on s’attend à ce que les prix se maintiennent à un niveau relativement élevé. Cette évolution favorable nous permet d’envisager plus facilement l’avenir de certains instruments de notre «ancienne» Pac, notamment les restitutions à l’exportation, les quotas laitiers et les jachères obligatoires.
Dans la communication sur le bilan de santé, nous nous efforçons de trouver une solution raisonnable en ce qui concerne l'expiration du régime des quotas laitiers programmée pour 2015. Nous devons garantir un «atterrissage en douceur» aux producteurs laitiers et à l’industrie de transformation, afin qu’ils puissent s’adapter sur les plans technique et financier. Je pense qu’il faut pour cela augmenter graduellement les quotas d’ici à cette date. Toutefois, nous devons aussi réfléchir aux mesures qui permettront de soutenir les producteurs de lait dans certaines régions de l’Union européenne largement tributaires de cette production.
Les jachères obligatoires figurent elles aussi parmi les mesures de marché appelées à disparaître à brève échéance. Pour alléger la pression sur le marché des céréales, nous avons supprimé la jachère obligatoire pour la saison de 2008. Dans le cadre du bilan de santé, nous examinons leur élimination définitive.
Cependant, on ne peut nier que le système de jachères obligatoires ait permis d’apporter un certain nombre d’avantages sur le plan environnemental. Nous devons profiter du bilan de santé pour prendre des mesures permettant de les préserver au travers de notre politique de développement rural.
Cette politique de développement rural, précisément, a rencontré un franc succès. Je crois qu’elle nous offrira à l’avenir de nombreuses possibilités pour nous adapter aux nouveaux enjeux mondiaux et locaux comme la gestion de l’eau, le changement climatique, la préservation de la biodiversité ou la réduction de la pression exercée par l’agriculture intensive sur la nature. Voilà pourquoi, à mon sens, il est tout à fait opportun de transférer dans le budget du développement rural davantage de moyens provenant des paiements directs aux agriculteurs, grâce à la modulation obligatoire.
J’espère que le rapport que j’ai présenté donnera lieu à un débat constructif. Il est essentiel de connaître le point de vue de celles et ceux qui sont directement concernés par la politique que nous mettons en œuvre. C’est pourquoi, au-delà des consultations formelles, j’attends avec impatience de lire sur mon blog les commentaires des agriculteurs et autres parties prenantes, afin que nous puissions mener un débat aussi large que possible avant que je ne soumette des propositions concrètes en mai 2008 ».
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