Des « solutions alternatives » au barrage controversé de Sivens devront être trouvées d'ici à la fin de l'année, a annoncé mardi soir la ministre de l'Ecologie, Ségolène Royal, appelant à l'évacuation du terrain par les protestataires, à l'issue d'une réunion avec les acteurs concernés.
« L'idée, c'est de ne pas traîner. Il faut qu'on puisse être au clair d'ici avant la fin de l'année sur les solutions alternatives, soit l'aménagement du barrage tel qu'il est, soit un ouvrage alternatif de retenue de substitution plus en aval de la rivière », a dit la ministre à la presse.
« On a ouvert une porte, mais elle est petite et à peine entrouverte », a réagi à la sortie de la réunion Denez L'hostis, président de France Nature Environnement (FNE), à laquelle appartenait le militant Rémi Fraisse tué lors d'affrontements entre forces de l'ordre et manifestants.
Lors de cette rencontre, « les fils ont été renoués entre les uns et les autres, chacun a fait un effort pour faire un pas vers la vérité de son voisin, les réflexions vont mûrir », s'est félicitée la ministre, ajoutant « nous sommes sur la bonne voie ».
A l'issue de cette réunion de près de deux heures, la ministre a aussi appelé à l'évacuation du terrain, site d'une « occupation illégale ». Elle a évoqué l'exaspération d'habitants relayée lors de la réunion par la maire de la commune, notamment le cas d'une septuagénaire dont elle a souhaité le retour dans sa maison.
Etaient réunis au ministère une vingtaine de participants, dont les élus locaux Martin Malvy (PS), président de la Région et président de l'agence de l'eau Adour-Garonne, et Thierry Carcenac (PS), président du conseil général, maître d'ouvrage du barrage. Représentants des agriculteurs et des associations de défense de l'environnement étaient présents. Deux ingénieurs auteurs d'un rapport critique sur le barrage, qui devait être au centre des échanges, participaient également.
Chacun a reformulé ses positions, résumées par la ministre : du côté du conseil général, porteur du projet, qu'une solution pérenne soit trouvée ; du côté des agriculteurs, le maintien de l'ouvrage mais avec possibilité de revoir les volumes d'eau alloués ; du côté des associations environnementales, l'arrêt du barrage mais ouverture à des solutions alternatives.
Envoi de trois experts sur place
« Les solutions alternatives, ce serait soit le recalibrage du barrage actuel soit, autre solution, des retenues de substitution plus en aval dans la vallée, cela serait moins dommageable pour l'environnement (...) mais ce serait aussi plus long car il faudrait refaire des études », a expliqué la ministre, annonçant l'envoi sur place à la fin de la semaine prochaine de trois experts : un hydrologue, un agronome et un expert en biodiversité.
« Ce qui est sorti de la réunion ? Pas grand-chose, chacun est resté sur ses positions », a commenté Jean-Louis Cazaubon, président de la chambre régionale d'agriculture du Midi-Pyrénées. « Il y a une volonté de la ministre de rapprocher les points de vue. Il n'y a rien qui est tranché, ce sera très difficile, tout reste ouvert. C'est un verre à moitié vide ou un verre à moitié plein », a-t-il ajouté, évoquant une réunion dans le Tarn le 13 novembre avec les experts.
Le rapport d'experts, commandité en septembre 2014 par le ministère, s'était montré très critique à l'égard du projet, mettant notamment en évidence des besoins surestimés, une étude d'impact « de qualité très moyenne », « un financement fragile », le manque d'« analyse des solutions alternatives possibles ». Il y a eu « une erreur d'appréciation », avait déclaré Mme Royal dimanche, critiquant pour la première fois la pertinence de ce projet.
« Personne dans notre pays ne pourra, par la violence, interdire la réalisation de travaux et d'équipements qui sont indispensables au développement économique », a-t-elle ensuite lancé devant l'Assemblée nationale, avant la réunion, répondant à une question de Cécile Duflot, qui, avec ses collègues d'EELV, a observé une minute de silence à la mémoire du militant contre la volonté du président Claude Bartolone.
Souhaité ardemment par les agriculteurs, le projet de barrage-réservoir de 1,5 million de mètres cubes d'eau stockée – une taille relativement modeste par rapport à d'autres – a été l'objet de nombreux recours en justice pour son coût et ses conséquences sur un écosystème fragile.
Vendredi dernier, le département a entériné une suspension des travaux, sans en fixer la durée.