A l'occasion d'un colloque organisé par Passion Céréales, le 16 février 2010 à Paris, sur le thème « Quelles politiques agricoles pour quels équilibres mondiaux ? », les intervenants ont constaté que l'écologie avait pris le pas sur le développement durable.
« La nature est devenue un musée à conserver et les agriculteurs les gardiens du musée », a constaté Dominique Wolton, directeur de recherches au CNRS. Pour sortir de cette logique, il exhorte l'agriculture à sortir d'une logique défensive et à se défaire des dichotomies agriculture traditionnelle/agriculture industrielle ou petits et gros producteurs. « L'agriculture doit montrer qu'elle est capable de relier tradition et modernité », a-t-il affirmé.
Thierry de Montbrial, directeur général de l'Ifri (Institut français des relations internationales), va plus loin : « L'industrie n'est pas un gros mot. L'agriculture est une industrie. C'est même une industrie lourde (capitalistique). Toute industrie est amenée à être régulée. » Pour lui, la Pac après 2013 doit être repensée dans ce sens. « On doit avoir une approche innovante, moderne, avec une Pac recentrée et rénovée. » Il estime que la Pac doit aussi revisiter la notion de sécurité alimentaire et regarder beaucoup plus la différenciation par les marques notamment.
Pour Jean-François Gleizes, agriculteur et président de Passion Céréales, « la recherche et l'innovation ont un rôle important à jouer car l'agriculture est aussi le socle de l'agroalimentaire. Une industrie qu'il faut maintenir forte en France ».
Le philosophe André Comté-Sponville va plus loin. « Les Chinois et les Indiens sortent du sous-développement à une vitesse et une échelle jamais connue. Nous allons au devant d'une conséquence écologique tragique à laquelle il n'existe que deux solutions : le développement durable ou la décroissance. »
La décroissance serait la seule solution mais elle est économiquement inenvisageable, socialement ravageuse et politiquement impossible à soutenir. Ce n'est d'ailleurs pas la voie qu'il prône. Il reste donc le développement durable. « Les partisans de la décroissance voudraient qu'on descende du train du progrès, de la lumière et des droits de l'homme. Le retour écolo-baba-naïf est une régression formidable. La nature n'est pas Dieu et la technologie n'est pas le diable », estime André Comté-Sponville.
Pour le philisophe, « nous avons besoin de plus de science, plus de technique, plus de progrès. L'agriculture ne sera jamais trop moderne, trop scientifique, trop technique. Il faut se méfier de l'obscurantisme écolo ».
Citant l'exemple des OGM, il estime qu'il est urgent de faire des recherches. Pour lui, le développement durable ne peut émerger que d'une politique. « On ne peut pas compter sur la conscience morale des agriculteurs ni sur celle des consommateurs », déclare André Comté-Sponville.
Il illustre son propos de façon très concrète expliquant que mieux que la lecture des plus grands philosophes et l'amour qu'il porte à ses enfants, ce sont trois PV successifs qui l'ont incités à réduire sa vitesse en voiture. « On ne peut pas compter sur la conscience du citoyen pour sauver le monde », a-t-il conclu.